Sonia Abadi
Psychanalyste, Asociación Psychoanalitica Argentina
Buenos Aires -
Argentine
Médecin et psychanalyste, membre de l'Association
Psychanalytique Argentine. Professeur à l'Institut de Psychanalyse de 1'APA.
Psychanalyste d'adultes et adolescents. Professeur à l'Ecole de
Psychopédagogie Clinique, elle s'intéresse à l'élargissement du champ clinique
individuel en tenant compte des aspects inconscients de la civilisation qui
contribuent à l'apparition de la maladie psychique (modèles culturels,
idéologie, mode de vie).
Auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels :
- "La pulsión de muerte en el drogadicto : deseo de muerte o mandato
familiar ?", Actualidad Psicológica, 1980.
- "La transferencia del
analista con el paciente transgresor" id., 1980.
- "La construcción :
descubrimiento o creación ?" Congreso Latino-Americano de Psicoanálisis,
1980.
- "Ser psicoanalista : vocación y re-vocación"
- "Sublimación e
idealización : su relación con el proceso de aprendizaje" Aprendizaje hoy,
1981.
- "Labor terapéutica, creación teórica y sublimación", Simposium
APA, 1985.
- "La experiencia de aprendizaje compartido o como sostenerse
sobre el desconocimiento" 1984.
- "El paciento adicto. Demanda.
Analizibilidad. Técnica" APA, 1985.
- "Acerca de la transmisión del
conocimiento" Revista de Psicoanálisis, 1984.
- "A portes de psicoanálisis a
la psicopedagogía ", FUNDATH, 1987.
- "Los espejismos del deseo"
(Reflexiones acerca de la publicidad), APA, 1988.
Malaise dans la psychanalyse
Dans son ouvrage Malaise dans la civilisation,
Freud évoque, à l'intérieur même du sujet, le conflit qui existe entre le
désir de satisfaction instinctuelle et les exigences de la civilisation.
La
notion de conflit accompagne dès l'origine le développement des idées
freudiennes. Les paires d'opposés seront représentées dans des instances
différentes à chaque étape de la théorie. Elles seront toutefois toujours
inséparables des notions d'angoisse et de symptôme.
Cependant, lorsqu'un des
pôles du conflit est aussi étendu et insaisissable que l'est la
civilisation, il devient indispensable d'utiliser un nouveau terme et
d'employer "malaise" plutôt que "angoisse".
Le "malaise", moins précis
et plus diffus que 1' "angoisse" ne semble pas pouvoir être apaisé par la
formation de symptômes. Il requiert des formations de compromis plus complexes
et plus originales ainsi que des sublimations et des symbolisations.
La formation de symptômes permet de soulager l'angoisse, mais c'est au
prix, trop cher payé, d'un rétrécissement de l'espace psychique par
répression des affects et appauvrissement de la pensée. Ceci conduit à
l'illusion d'un accord définitif, mais est suivi de la réapparition de
l'angoisse et de la nécessité de sacrifier encore plus de territoire
psychique.
Tolérer le conflit dans un espace permettant la coexistence
d'idées différentes et contradictoires, sans essayer de les résoudre de
manière définitive, constituerait une autre solution.
L'individu peut certes se créer des symptômes en essayant
de résoudre ses conflits avec la société; la
civilisation, elle-même, produit ses propres symptômes
(guerres, régimes totalitaires, idéologies fanatiques,
etc.), sans pour autant éliminer le malaise. Elle nous contraint
ainsi à reconnaître la vigueur du désir de
liberté, nous pousse à continuer à penser,
à créer, à élaborer, à ne pas nous
contenter de réponses stéréotypées.
Il est certain qu'affronter
le malaise requiert une activité permanente qui nous prive d'une apparente
tranquillité mais nous protège, en revanche, des solutions symptomatiques.
Le malaise dans la psychanalyse est donc inévitable : il est fécond parce
qu'il prend des formes différentes et répond à des causes variées, nous
incitant ainsi à la recherche et au changement.
Malaise dans la
clinique ; il existe pour chaque analyste, dans son for intérieur et dans son
espace thérapeutique et social ; il existe dans chaque patient qui essaye de
concilier ses propres besoins avec les exigences du monde extérieur.
Malaise d'un certain type de patients ne manifestant pour ainsi dire pas
d'angoisse... mais seulement un malaise, un "mal-être" diffus.
Malaise
dans la civilisation, parce qu'il est difficile pour la psychanalyse de faire
reconnaître le lieu de l'inconscient ; parce que son temps intérieur et ses
rythmes ne coïncident pas toujours avec les pressions d'un siècle qui exige
du rendement et des résultats visibles et rapides.
Malaise dans les Institutions espaces et temps du dialogue
scientifique, mais aussi, parfois, réduits d'idéologies sclérosantes ;
malaise, peut-être, dans les Congrès, qui ont pour tâche de favoriser les
rencontres et les ruptures nécessaires pour pouvoir continuer à penser.
Malaise dans la clinique
C'est une tâche impossible
que d'ordonner et de conceptualiser toutes les sources manifestes et
latentes de malaise qui compliquent notre pratique clinique et lui posent
question.
Le cabinet de consultation, oasis d'un temps et d'un espace
différents, ne parviendra pas à éviter les frustrations que la réalité
impose autant à l'analyste qu'au patient. Pour l'un, à cause de l'effort
nécessaire pour réaliser un travail difficile, en résonance avec son propre
psychisme, travail peu reconnu par le public et à peine plus du point de vue
matériel, alors que la reconnaissance du patient ne nous parvient que
tardivement ou même jamais. Pour l'autre, à cause de l'effort de temps et
d'argent qui lui est demandé, de la douleur suscitée par sa rencontre avec
ses propres difficultés et la crainte de la dépendance dans sa relation avec le
thérapeute.
Continuons donc à approfondir la notion de malaise.
Du côté de l'analyste, sa fonction est de soutenir par sa présence et
d'accompagner par son attention flottante le discours et le vécu de son
patient, sans prendre parti, sans juger, sans proposer d'idées ni de
solutions. Recevant l'impact du transfert "sans mourir ni se venger".
Chez
l'analyste aussi, l'intense ambivalence que suscite le fait de s'occuper d'un
"autre" en état de désarroi ; responsabilité proportionnelle à la dépendance
régressive du patient et qui, par moments, requiert une tolérance à la
frustration quasi surhumaine, à cause de l'impossibilité où l'on est
d'exprimer demandes ou réclamations.
Malaise qui, s'il n'est pas élaboré,
surgira suivant des modalités symptomatiques différentes.
Agression
vengeresse sous une forme à peine sublimée paroles disqualifiantes, passivité,
silence. Formations réactionnelles dans une soumission masochique : horaires
insoutenables, honoraires symboliques, interventions et conduites
apaisantes. Ou encore déplacement de la frustration, disputes avec la
profession, les collègues, les maîtres.
Et du côté du patient ?
Sa névrose, évidemment. Ses résistances, bien sûr. L'angoisse qui réparait
lorsque les symptômes sont mobilisés, le sentiment inconscient de
culpabilité et la nécessité de punition qui prolongent un malaise...
nécessaire pour éviter la guérison.
Mais aussi pour continuer à jouir des
bénéfices secondaires. La psychothérapie psychanalytique a été faite sur
mesure pour la névrose peut-être trop sur mesure. L'hystérique
trouve là un espace dans lequel déployer sa "mise en scène" devant un auditoire
attentif. L'obsessionnel trouve dans le cadre le matériel qu'il lui
faut pour satisfaire son besoin de rituels, dans l'élaboration psychique
l'autorisation de mettre en oeuvre une intense activité autoérotique
intellectuelle et, dans la nécessité de réfléchir, des arguments pour soutenir
ses inépuisables doutes. Le phobique dispose d'un objet qui
l'accompagne et de la possibilité de ne pas agir, - compatible avec ses
inhibitions.
Mais il nous faut encore reconnaître d'autres sources de
malaise. Elles trouvent leur origine dans les échecs thérapeutiques et
compromettent non seulement le travail de chaque analyste et patient mais
aussi le prestige de la psychanalyse tout entière dans le monde scientifique et
la société. Reconnaître la pathologie de la psychanalyse,
lorsqu'elle existe, permet aussi un meilleur travail.
Les analyses
interminables ont parfois des raisons déterminables. Lorsque nous disons "... x
années de psychanalyse" nous oublions parfois de dire dans quelle tranche
d'âge était le patient au décours de ces ... x années. Quels événements
importants de la vie de telle personne se sont joués durant ces étapes :
carrière, mariage, maternité, paternité. Nous savons qu'il est impossible de
donner une réponse, mais la question reste posée : combien de décisions ont été
inhibées par le psychanalyste afin de garder intacte la soumission
transférentielle du patient dans une suspension de son vécu, camouflée en
réflexions élaboratives ?
Qu'en est-il de certains transferts idéalisés qui
ne se résolvent pas chez des femmes en âge de se marier et d'avoir des
enfants ? Et de l'identification à l'analyste des adolescents au moment de
choisir une carrière ou un type de travail ? Et de la crainte du passage à
l'acte soutenue par une censure qui empêche, du même coup, les actes et
décisions nécessaires à la vie.
Certains de nos messages sont paradoxaux en
ceci qu'ils proposent de penser, d'élaborer, mais sont suivis
d'interprétations persécutrices qui suggèrent, par exemple, qu'on est en train
d'intellectualiser. Comme certaines de nos invitations à se connecter avec
ses désir et fantasmes, pour qualifier ensuite chaque mouvement spontané de
passage à l'acte compulsif.
Et ceci alimente à nouveau le malaise de
l'analyste qui perd confiance dans l'efficacité de la cure, se sent déçu par
le peu de progrès de son patient et perd de son enthousiasme pour la
recherche et la compréhension du cas.
Ce sont ces contradictions
inconciliables qui maintiennent vivant le malaise et soutiennent le besoin
d'approfondir nos vues sur la psychanalyse.
A l'autre pôle, nous avons
la pression familiale et sociale qui réclame une résolution rapide des
symptômes et des états de crise. Etant donné que toute élaboration s'inscrit
dans une dimension temporelle, toute intention de mettre un emplâtre au moi
du patient pour le renvoyer sur le "front de bataille" d'une réalité
socioéconomique trop soucieuse de rendement, aurait aussi peu de sens que
plâtrer rapidement un combattant blessé pour le renvoyer immédiatement sur
le "front de bataille" de la guerre. Et cela au risque d'induire chez le
patient des solutions adaptatives qui appauvriront la plasticité de son moi
et diminueront ses possibilités créatrices et libidinales.
Quelques types de caractères
"Les patients sont
différents de ce qu'ils étaient à la fin du siècle dernier", entend-t-on souvent
dire dans les milieux psychanalytiques ; depuis lors, le poids des facteurs
sociaux, politiques, économiques et culturels a déterminé l'apparition de
cadres nouveaux et nécessité de nouvelles réponses cliniques.
Question embarrassante, dont la réponse est théoriquement difficile et
qui ouvre la voie à toute une série d'interrogations.
La civilisation, à
travers les conditionnements sociaux, idéologiques, économiques, a-t-elle
vraiment changé la pathologie ?
Et s'il en est ainsi, à quelles
variables et à quels moments historiques nous référons-nous ?
Lorsque nous
prenons des repères étrangers à notre théorie nous courons le risque de
privilégier arbitrairement certains de ces repères par rapport aux autres.
Mais nous soutenons aussi que les origines de la névrose se trouvent dans
l'enfance ; devrons-nous alors rechercher quels conditionnements se sont
exercés sur nos patients il y a trente ou quarante ans ?
Cependant, s'il est certain que la société facilité l'apparition
de certains traits de caractère, ne pourrait-on aussi bien dire que c'est la
psychanalyse qui reconnaît une "certaine anormalité" chez des personnalités
apparemment bien adaptées mais qui présentent pourtant, à des degrés
variables, des carences émotionnelles ou des troubles de la pensée ?
Il nous faut toutefois constater que, de la clinique, surgit cette
évidence : "les patients ne sont plus ce qu'ils étaient", et ce, même si
nous devons reconnaître que nous sommes incapables d'évaluer correctement un
tel fait.
Nous recevons de plus en plus souvent des patients qui présentent
des troubles de la personnalité, mais ont la particularité d'être syntones
avec certains des idéaux de la civilisation actuelle.
Ce sont ces
troubles que nous pouvons définir, au sens large, comme troubles du caractère.
(Pour Freud, le caractère est la conséquence de pulsions primaires et des
défenses mises en place contre elles ; pour Winnicott, ces troubles sont dus
à des failles environnementales et aux défenses érigées contre elles.)
Les patients de ce type échappent à la classification habituelle, mais ils
ont cependant suffisamment de traits communs pour qu'il soit possible de les
regrouper ; ils présentent : une certaine rigidité dans leurs adaptations,
une relation privilégiée avec le monde extérieur aux dépens du monde
interne, peu d'angoisse et un trouble diffus de la pensée symbolique qui les
rend difficiles à analyser.
J'essayerai d'en décrire quelques-uns.
Les hypomaniaques, avec leurs aspects exhibitionnistes, leurs
provocations et leur étalage d'euphorie ; les psychopathes ; avec leur
besoin de contrôler la société ; les personnalités sujettes au passage à
l'acte, avec leur difficulté à fantasmer ; les formes socialement valorisées
de la phobie, c'est-à-dire leurs défenses et conduites contra-phobiques ;
certains borderlines, chez lesquels la structure psychotique est recouverte
par des adaptations stéréotypées mais qui sont, elles aussi, socialement
valorisées.
On peut en relever bien d'autres dans la littérature
psychanalytique : les personnalités addictives, avec leur urgence
pulsionnelle et leur dépendance à l'objet ; les personnalités "comme si" ;
les "faux-self" de Winnicott ; les "antianalysants"de Joyce Mc Dougall ; les
"cas-limite" décrits par André Green, Anna Potamianou et d'autres auteurs,
les patients "névrosés à barrières autistiques" étudiés par Frances Tustin.
Nous savons que beaucoup de ces sujets ne viennent pas nous consulter. Ils
ont recours au "pouvoir de la pensée" et aux "techniques
d'auto-programmation", au "contrôle mental" ou à tout autre technique qui
leur promet un meilleur contrôle sur leur monde interne et une meilleure
emprise sur les autres et sur la réalité extérieure. Ce sont des sujets
dissociés de leur réalité psychique et de leurs émotions (lesquelles,
parfois resurgissent avec une violence incontrôlable), des personnalités
sujettes au passage à l'acte, ou encore qui sont sur-adaptées, avec une
faible capacité de symbolisation et à peine pourvues d'une pensée opératoire,
semblable à celle que décrivent Pierre Marty et Michel de M'Uzan.
C'est
toutefois un nombre de plus en plus grand de ces patients qui viennent nous
consulter, faisant état d'un malaise mal défini, d'un sentiment d'irréalité,
d'une sensation de vide. Ils sont émouvants dans leur surprise de se trouver
confrontés à des vécus de ce type, - nouveaux pour eux. Ils nous sont très
souvent adressés par leur médecin, généraliste ou spécialiste, pour des
troubles à expression somatiques. Mais, lorsqu'ils viennent nous consulter,
ils sont désespérés et confus soit parce qu'ils sont les parents d'un
adolescent drogué ou d'un enfant qui présente des troubles de la conduite,
soit à cause de la dépression du conjoint, d'un divorce ou encore d'une
débâcle économique. Et ils ne demandent par toujours à revenir.
S'agit-il de nouvelles pathologiques en rapport avec les
valeurs de notre civilisation?
L'affirmer serait risqué, mais il y a
pourtant de nombreuses coïncidences.
Je voudrais rappeler une réflexion de
Marty et de M'Uzan qui, parce qu'elle nous aide à poser un diagnostic
différentiel entre troubles de caractère et névrose aggravée par les exigences
sociales, nous permettra peut-être de percevoir les effets de la
civilisation sur les différentes étapes de la formation de la personnalité.
Ces auteurs disent qu'il existe des formes de pensées opératoires (ayant des
carences de symbolisation) chez des névrosés exposés à de fortes exigences
d'adaptation. Le résultat en est, pour le sujet, la perte de ses capacités de
fantasmer et d'élaborer. S'il ne s'agit que d'une situation transitoire, le
patient réalise, dès le début de la cure, quelle frustration et quelle
mutilation ce mode de vie lui imposent.
Ce dernier point nous conduit à
nous interroger sur une forme de malaise qui s'ajoute parfois à la
souffrance de nos patients névrosés.Il s'agit de moments où la relation avec le
fantasme et les affects, pourtant aussi nécessaire pour vivre que peut
l'être l'adaptation à la réalité extérieure, est disqualifiée par le milieu
social.
Certaines qualités sensibles et créatrices sont fréquemment
inhibées par un milieu trop compétitif qui, par contre, valorise les
conduites de style psychopathique, la réussite matérielle et les
manifestations concrètes de pouvoir.
Il serait évidemment illusoire, pour
nous psychanalystes, de prétendre privilégier certaines valeurs par rapport
à d'autres de même qu'il serait peu éthique de mettre en question ou de
cautionner les valeurs de nos patients.
Mais il serait tout aussi
naïf de supposer que certains de nos idéaux ne transparaissent pas, dans le
fait d'exercer une profession, qui est à la fois scientifique, intellectuelle et
artisanale.
Psychanalyse et civilisation
Les
relations entre psychanalyse et civilisations ont toujours été conflictuelles.
L'inconscient a pris une place, à l'évidence polémique, dans de nombreuses
aires culturelles: l'"élevage" des jeunes enfants aussi bien que
l'éducation, la sexualité, les relations familiales, la médecine, les
sciences humaines, la politique et les autres psychologies.
La
psychanalyse provoque des conflits qui suscitent aussi bien un grand intérêt que
d'intenses résistances. Par ailleurs, la civilisation nous pose des
questions qui, par moments, nous dépassent.
Exposée à des adhésions et à
des rejets, la psychanalyse essaye de préserver son essence, qui est
complexe et irréductible, de tout essai de simplification.
Le malaise
apparaît dans les résistances irrationnelles de certains milieux scientifiques
et sociaux, ainsi qu'avec certains idéaux qui sont antagoniques avec la
façon de penser et la thérapie analytique, tels que: l'urgence et le
rendement ainsi que le pouvoir politique ou économique, lorsqu'il sont
dissociés d'un état de santé psychique intégratives.
Il existe pourtant des
concordances authentiques avec d'autres disciplines, ce qui peut aboutir à
un épanouissement réciproque. Mais on trouve aussi de fausses affinités, des
extrapolations, des déformations qui, sous prétexte d'une application de la
psychanalyse, la dénaturent par une utilisation et des abus réducteurs. De
même qu'on peut parfois voir l'une ou l'autre de ces disciplines :
pédagogies, sociologies ou anthropologies s'approprier, de façon partielle,
certaines de nos théories.
Dans ce même sens, on peut également trouver une exaltation
simpliste, sur le plan social et militant, de notions telles que la
sexualité, le plaisir, la libération des instincts.
Des
institutions et congrès
Les institutions psychanalytiques souffrent
d'un malaise proche de celui des autres institutions dans lesquelles on
trouve à la fois des idées diverses, des aires politiques et la transmission de
valeurs et de connaissances.
Malaise parfois provoqué par l'idéalisation
des maîtres ou des idées, par le désir de progrès qu'inévitablement
véhiculent les prises de position politiques.
Prises de position elles-mêmes
soutenues par la nécessité d'affirmer et de diffuser les valeurs
scientifiques auxquelles un groupe adhère. Chacun investissant ses efforts
et son temps, parfois sous la contrainte des exigences et de l'urgence avec
lesquelles l'institution engage ses représentants, ce qui présente un risque
de sclérose dans la forme (la bureaucratie) et dans le fond (le dogmatisme).
Le malaise peut-il également exister dans les Congrès.
Exister
justement là où il y a, avant toute autre chose, le bien être, le plaisir
affectif et intellectuel, mais aussi le besoin de poser des questions et
d'élargir nos connaissances.
Là où nous avons aussi à tolérer le malaise
inévitable qui accompagne l'exposé de nos propres idées, mais où nous devons
aussi nous libérer du malaise, proche du nirvana, de la conciliation à tout
prix, de la pensée uniforme et unanime.
Là où il nous faudra aussi éviter
les simplifications et les affinités forcées ; courir le risque de se
tromper, de se contredire, et pourtant rester disposé à changer de point de vue.
Là où il faudra éviter le malaise des idées ambiguës et incolores, qui font
du doute leur drapeau, car à une pensée faible et tiède il faut préférer une
prise de positions qui puisse être questionnée et discutée.
Une pensée
neuve ne peut surgir que de la rencontre de ce qui est différent, car c'est là
le paradigme de la création.
Notes pour un possible bien-être
Mais la psychanalyse présente aussi un certain nombre de
compromis avec la civilisation: "... comme procédé pour traiter la maladie
mentale, comme méthode d'investigation psychologique et comme moyen
auxiliaire du travail scientifique dans les champs les plus divers de la vie
spirituelle" (Freud 1925).
C'est un défi difficile à réussir devant tant de
formes de malaise, et même devant la compétence des autres "solutions", plus
rapides et prometteuses ; mais ce défi ne représente rien de moins, pour
nous, que : survivre.
Durer et progresser, car si la psychanalyse se diluait
ou s'éteignait, cela impliquerait beaucoup plus que la perte d'un moyen de
vivre pour les psychanalystes. Ce serait aussi la perte d'une aide sérieuse
et approfondie pour bien des gens ainsi que la possibilité de mieux comprendre
l'être humain.
Survivre au malaise, l'élaborer à travers des voies
originales, cela veut dire préserver le concept d'inconscient, valoriser un
modèle de pensée fondé sur la liberté, enrichir la pensée scientifique et
intellectuelle et, par conséquent, la culture.
Résumé
L'auteur se propose de réfléchir sur un
certain malaise qui atteint actuellement les milieux psychanalytiques.
Prenant comme modèle la préoccupation freudienne sur le malaise dans la
civilisation, l'auteur définit le malaise comme une persistance d'une
situation conflictive qui ne trouve pas de solution dans la formation de
symptômes, qui peut être élaborée par des sublimations provisoires mais qui
fait constamment nécessaire de trouver d'autres chemins créateurs et de
nouvelles formes d'équilibre.
L'auteur développe aussi les différentes
formes que le malaise peut prendre dans le champ de la psychanalyse :
malaise dans la clinique, du patient et du psychanalyste ; malaise par rapport
à l'absence d'angoisse dans certaines pathologies qui nous mènent aux
limites de notre science ; malaise entre psychanalyse et civilisation, et
finalement les problèmes que pose la psychanalyse dans les institutions.
Summary
The author proposes reflecting on certain
uneasiness which presently affects the psychoanalytical milieu.
Taking
the Freudian preoccupation with uneasiness in civilization as a model, the
author defines the uneasiness as a persistence of a conflictive situation,
which finds no solution in the formation of symptoms. This is possibly
embellished by the temporary sublimations but which constantly make it
necessary to find other path creators and new forms of equilibrium.
The
author also develops different forms that the uneasiness can take in the field
of psychoanalysis: sickness in comparison to the absence of anguish in
certain pathologies which bring us to the limits of our science. Uneasiness
between psychoanalysis and science and finally problems posed by
psychoanalysis in the institutions.
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