Le harcèlement sexuel : un fantasme incestueux agi
Samuel Lepastier Docteur en médecine, Anc. élève de
l'Institut de Psychanalyse de Paris
Né en 1945. Après une formation initiale en sciences
sociales et humaines sanctionnée notamment par le diplôme de l'Institut
d'Etudes Politiques de Paris, s'oriente vers la médecine.
En 1970 est chargé
de l'enseignement de l'économie et de la sociologie dans différentes
facultés de médecine parisiennes ; il organise et assure la coordination du
diplôme universitaire de démographie, sociologie et économie médicales à
l'université Paris V. Il a publié une cinquantaine d'articles. Ses travaux,
outre les premières publications en économie médicale, peuvent être
regroupés autour de trois pôles : l'hystérie tout d'abord, l'analyse
d'enfants et d'adolescents, les conditions d'une psychiatrie dynamique qui
tiendrait compte des acquis de la psychanalyse enfin. En outre, sa formation
pluridisciplinaire lui a valu d'être sollicité à plusieurs reprises par
différents médias (presse écrite, radio et télévision) à propos de problèmes
de société.
Principaux travaux
· Cours de socio-économie
médicale à l'usage des étudiants en médecine de deuxième cycle, Editions de
I'AGEMP, 1971.
· Contribution au coût de l'action de secteur (en
collaboration avec Ph. Paumelle), L'Information Psychiatrique, 1973.
·
La représentation manquée : les accidents paroxystiques de l'hystérie de
conversion, mémoire pour le CES de psychiatrie, 1979
· Veuillez
excuser mon retard : après-coup sur le livre blanc de la psychiatrie
française, Psychiatrie Française, 6, 1989 (traduit en japonais)
·
La folie paternelle, un moment dans la constitution du sujet, R.F.P., 6,
1991
· Le bizutage : rituel ou violence ? conférence au Colloque
d'Ethnopsychanalyse de Cerisy de Juillet 1992 (à paraître dans les actes du
colloque)
· L'hystérie, collection Nodules P.U.F., à paraître 1993
· Les instruments de mesure en psychopathologie, à paraître,
Psychiatrie Française, 1992.
Le harcèlement sexuel : un fantasme incestueux agi
Le harcèlement sexuel est
désormais légalement défini et devient un délit passible de sanctions
pénales. Si nous restons fidèles à l'aphorisme de Freud pour qui le projet de la
cure analytique est de permettre au sujet d'éprouver la capacité "d'aimer et
de travaille ?", faire la théorie d'une conduite délictueuse qui associe vie
professionnelle et agis sexuels ne peut manquer de susciter un très vif
intérêt pour nous. De plus, dans la mesure où il s'agit de psychopathologie
au quotidien (Lepastier, 1992) toute discussion sur ce thème peut permettre,
pour ceux qui n'ont pas l'expérience de la cure, d'appréhender ne serait-ce
que partiellement, l'apport de la psychanalyse à la compréhension de la vie
psychique. En effet, lorsqu'on écarte les acquis de la psychanalyse, les
implications du harcèlement sexuel sont difficilement compréhensible. Non
seulement le harceleur ne présente pas, le plus souvent, de pathologie
psychiatrique avérée, mais il est bien difficile d'établir une solution de
continuité entre un comportement socialement toléré et un abus caractérisé.
La clinique psychiatrique américaine la plus récente (D.S.M. III-R, 1987)
alors même qu'elle tend à ramener la psychopathologie au seul trouble des
conduites ne fait pas allusion au harcèlement sexuel. A l'opposé, la plupart
des analyses effectuées par les militantes féministes tendent à présenter
cette pratique comme une conséquence quasi inéluctable d'une organisation
patriarcale de la société. Ce point de vue ne peut cependant rendre compte
ni des importantes variations observées selon les cas, ni d'un certain
nombre d'agis. Enfin, et ce n'est pas le moins important, il faut aussi tenter
de comprendre pourquoi ce qui semble avoir été toléré de façon quasi
immémoriale est, assez brusquement, mis au premier plan de l'actualité et sa
poursuite ressentie comme intolérable.
Sur ce dernier point, il me
semble qu'en plus des arguments liés à l'évolution sociale récente
(essentiellement accentuation de l'angoisse et des réactions de prestance de
certains hommes face à des femmes pouvant menacer des privilèges
hiérarchique, ce qui entraîne corollairement une plus grande vigueur du
militantisme féministe), il pourrait s'agir de la contrepartie de la
diffusion culturelle de conceptions visant à évacuer la pulsion dans la
description du trouble psychique (lui-même relié à une perturbation
biologique, sinon neuro-anatomique, élémentaire). Ce qui est refoulé de la
clinique se manifesterait alors dans le champ social sur un mode qui n'est
pas sans évoquer de nombreuses réminiscences aux psychanalystes. C'est ainsi
que le harcèlement sexuel succède à la une des journaux aux abus sexuels à
l'égard des enfants, eux-mêmes prenant le relais des campagnes de dénonciation
du viol.
Ainsi, sont présentés en un ordre dispersé les phénomènes qui
avaient retenu l'attention de Freud dans ses tous premiers travaux mais qui,
contrairement à ce qui est parfois suggéré, ont gardé ensuite toute leur
importance y compris dans les remaniements les plus tardifs de sa pensée.
Pour établir une théorie du harcèlement sexuel, il faut au préalable, d'une part
repérer dans l'oeuvre de Freud la place assignée à la séduction et d'autre
part, reprendre l'application faite de cette théorie aux phénomènes de
civilisation.
La séduction, ou plus exactement la représentation de la
séduction d'un enfant par un adulte, a été au centre des premières
élaborations théoriques de Freud.
Dans les "Etudes sur l'hystérie" (Freud et Breuer, 1893-1895)
est évoqué, au moins de façon implicite, le
caractère traumatisant de la séduction subie dans
l'enfance. Si les hystériques souffrent de
réminiscences, il s'agit au premier chef du souvenir
enkysté du traumatisme subi dans les années tendres. Mais
c'est dans les lettres à Fliess" (Freud, 1950, 1892-1899),
qu'est élaborée progressivement la théorie de la
"neurotica". Ainsi, selon qu'elle aura été subie avec
effroi, ou au contraire accompagnée de plaisir, une
séduction trop précoce pourra ensuite, à
l'âge adulte, dans les remaniements et après-coups
post-pubertaires, entraîner hystérie dans le premier cas,
névrose obsessionnelle dans le second.
Or, si Freud, on le sait, a renoncé à faire de la
séduction le pivot de la théorie des névroses, en
même temps il n'a jamais cessé de dénoncer, tout au
long de son oeuvre, le caractère hautement traumatique des
séductions réelles subies par le sujet, ce qui est
rappelé, en particulier dans "l'Abrégé de
Psychanalyse" (Freud, 1940). Les séductions réelles
tiennent une grande place tant dans la relation de la cure de Dora
(Freud, 1905) que dans celle de l'Homme aux Loups (Freud, 1918). Pour
ce dernier, en particulier, les séductions de l'enfance avaient
entraîné un choix d'objet à l'âge adulte vers
des femmes de conditions jugée inférieure, ce qui
concerne directement notre propos. Cependant, à ce moment, la
représentation de la séduction (et il n'est pas possible
d'établir de différence, qui l'action ait
été réelle ou simplement fantasmée)
dissimule des positions oedipiennes incestueuses refoulées qu'il
s'agit de mettre à jour dans l'analyse ; ce qui est en cause ce
sont avant tout les désirs de l'enfant. Dans un troisième
temps (Freud, 1931), est élaborée une troisième
théorie de la séduction ; à la séduction
fantasmée ou tout au moins accidentelle "a patre", se substitue
la séduction par la mère, réelle et obligatoire,
prolongement direct des soins maternels. Ce sont ces trois aspects de
la séduction que nous retrouvons dans notre analyse du
harcèlement sexuel.
Pour le psychanalyste, en effet, l'abus sexuel
commis par un supérieur sur un subordonné ne peut être compris qu'en faisant
référence à l'abus de l'adulte vis-à-vis de l'enfant. C'est ce que ne manque
pas de faire Freud lorsqu'il étudie la place de la sexualité dans la
civilisation.
Dans "Totem et tabou" (Freud, 1912), c'est bien le
caractère intolérable de la puissance du père de la horde primitive se
réservant toutes les femmes qui entraîne la révolte parricide et se trouve
être à l'origine d l'histoire. Plus tard, l'existence du "Ius primae noctis"
(droit de cuissage) n'est un secret pour personne. Toutefois, deux remarques
doivent être faites. D'une part, dans bien des cas il ne s'agissait que de
manifestations limitées (par exemple simple introduction de la cuisse dans
le lit du seigneur ou même versement d'argent en rachat de ce droit)
renvoyant à une polysémie symbolique dont Freud rend compte dans "Le tabou de la
virginité" (1917) ; l'offrande même simulée de la virginité au chef ne
signifie pas seulement que lui soit sacrifiée la première part de tous les
biens ; dans le même temps et de façon dialectique, compte tenu du caractère
nécessairement agressif de la défloration, seul un homme doté d'un grand
pouvoir est en mesure de supporter l'agressivité inévitablement retournée
sur lui en raison du comportement de transgression vis-à-vis du tabou de la
virginité. Ultérieurement, le droit de cuissage fait donc jouer un double
rôle au seigneur, témoignage de l'ambivalence ressentie à son égard ; sous
couvert de l'exercice d'un privilège, le rituel l'expose au danger auquel
échappent ses sujets. Inversement ceux-ci, en accomplissant le rite,
témoignent en même temps de leur soumission (en lui offrant un vierge) et de
leur hostilité (puisque c'est le seigneur qui accomplissant "le sale boulot"
prend tous les risques).
Le harcèlement sexuel, où ces aspects
symboliques ne sont guère retrouvés, ne s'inscrit pas dans une filiation
directe du droit de cuissage ; il apparaît plutôt en continuité avec les amours
ancillaires repérées à l'époque victorienne par Freud (Freud, 1908, 1910,
1912). Les modifications dans les comportements de nos contemporains
tiennent essentiellement à l'évolution du statut professionnel des femmes dans nos sociétés
mais en ce qui concerne le fonctionnement mental, on n'observe guère de
différences.
Ainsi on entend, par harcèlement sexuel, des attitudes et des
propos tenus par un homme, le plus souvent sur le lieu de travail, vis-à-vis
d'une femme en position de subordination hiérarchique afin de l'amener,
grâce à cette contrainte, à des relations, ou plus généralement à des actes
sexuels incomplets (baisers, caresses). Par extension on peut parler de
harcèlement sexuel pour tout homme qui a ce type de comportement lorsqu'il
est dans une position d'autorité vis-à-vis d'une femme (par exemple médecin,
enseignant, prêtre...). De façon tout à fait analogue on peut observer un
harcèlement homosexuel, aussi bien entre hommes qu'entre femmes. S'il est
possible d'imaginer le harcèlement sexuel exercé par une femme vis-à-vis de
ses subordonnés hommes, en pratique, le contexte est différent ; si on peut
constater, en effet, des relations sexuelles entre une supérieure et un
subordonné, elles ne peuvent se concevoir sans l'existence d'une acceptation
réelle chez l'homme (ce qui exclut donc la notion de contrainte, autre que
fantasmatique).
Un type particulier est constitué par le comportement de
certains groupes (marins à terre, militaires en quartier libre, etc.) où la
provocation sexuelle même si elle est parfois outrée (viol collectif, à
l'extrême) vise essentiellement au-delà même de l'éventuel passage à l'acte, à
assurer le renforcement de la cohésion (fondée, rappelons-le, sur un lien
homosexuel inconscient) par rabaissement de la femme. Enfin, il faut écarter
certaines tentatives malhabiles d'un homme qui serait authentiquement
amoureux ; de même et de manière plus prosaïque, en l'absence de contrainte,
la "drague" n'entre pas, stricto sensu, dans les conduites de harcèlement
sexuel.
Ainsi, le harcèlement sexuel est un viol psychique ; la
contrainte morale étant substituée à la contrainte physique. Le harceleur
tire plaisir de la relation d'emprise (Dorey, 1981) imposée à sa victime.
Ainsi, nous pouvons retrouver ici une dimension incestueuse dans le passage à
l'acte; le représentant de l'autorité étant nécessairement rapproché des
images parentales. Mais ce serait une erreur de n'y voir qu'un inceste
père-fille, il faut tenir compte également de l'inceste mère-fille, non tant
au niveau d'une position oedipienne inversée, que surtout comme agi de ce
qui constitue justement sa "matrice archaïque" (Janine Chasseguet-Smirgel,
1984).
A l'inceste génital s'ajoute, en plus, un retour vers une confusions
et un chaos mère-fille dans la mesure où la loi paternelle a été bafouée ;
ce dernier point n'est pas sans conséquences.
II nous semble, en effet,
que c'est finalement un point de vue défensif qui ferait du harcèlement
sexuel un simple abus de type "patriarcal". Dans la plupart des exemples
rapportés par les militantes féministes, le harcèlement sexuel s'accompagne
d'un chantage à l'embauche, à la "promotion canapé" ou, tout au moins, au
maintien de l'emploi. Pourtant, nous disposons dans notre expérience
quotidienne d'un modèle où ces éléments n'interviennent pas ; aussi bien de
façon globale dans la relation qui unit le malade à son médecin, que de
façon plus spécifique dans la dialectique du transfert et du contre-transfert
dans la cure analytique, existe le risque de l'abus sexuel.
Le serment d'Hippocrate est particulièrement explicite: "Admis
dans l'intérieur des maisons..., je ne séduirai ni les
femmes, ni les jeunes enfants, ni les esclaves". Beaucoup plus tard, on
le sait, la psychanalyse est née le jour où une jeune
patiente a tenté de se jeter au cou de Freud et où ce
dernier a cherché à comprendre. Depuis, nous savons que
le processus analytique ne peut se développer que dans un climat
d'abstinence ; aussi bien absence d'agis et neutralité de la
part de l'analyste vis-à-vis du patient que respect du cadre,
qui apparaît à la fois comme le seul moyen de percevoir un
certain nombre de processus psychiques, que comme l'expression de
la loi, qui s'applique à l'analyste aussi bien qu'au patient,
afin de les protéger tous les deux.
Cependant, aussi bien par ce qui nous
est donné de percevoir dans le déploiement du transfert lorsque l'analyse
est correctement menée, que lorsque nous recueillons les confidences de
patients ou de malades victimes d'abus, nous sommes confrontés au
harcèlement sexuel.
Pourtant, ici, les intérêts matériels ne sont guère
enjeu. Un médecin qui aurait une relation sexuelle avec une cliente en
dehors de sa pratique ne serait guère répréhensible ; pourtant, nous sommes
rendus les confidents de séductions pendant l'examen médical lui-même. C'est
bien l'abus d'autorité qui est une condition nécessaire de la jouissance et
qui est recherché en tant que telle.
Sur le plan clinique, le
harcèlement sexuel a été relativement peu étudie. En effet, cette conduite,
lorsqu'elle est isolée, ne motive qu'exceptionnellement une demande d'aide
auprès des psychanalystes. En pratique, on est amené parfois à la mettre en
évidence (car soigneusement cachée jusque-là) des années après le début
d'une psychothérapie ou d'une psychanalyse demandée pour un tout autre
motif.
Le plus souvent, le harcèlement sexuel n'est pas accompagné de
troubles psychiatriques patents et le sujet s'en plaint rarement. Pour faire
une évaluation de cette anomalie de la conduite sexuelle on ne peut faire
l'économie d'une approche dynamique. Ici, en effet, nous sommes en présence
de personnalités complexes au statut nosographique incertain et souvent
remanié. Nous suivons volontiers Janine Chasseguet-Smirgel lorsqu'elle
écrit, dans un domaine à vrai dire très proche de l'objet de notre étude ;
"Il peut être, au contraire, intéressant de s'attacher à cerner le noyau
commun à diverses entités nosologiques, qui vont de la perversion à
certaines formations caractérielles ou psychopathiques, voire toxicomaniaques.
Il s'agit, si on les examine bien, des solutions pathologiques où
l'acting-out est toujours présent" (Janine Chasseguet-Smirgel, 1984). On
retrouve toujours, chez ces sujets, outre un noyau névrotique et un noyau
pervers, une sexualité addictive.
Le noyau névrotique renvoie à
l'impuissance psychique. Il a été mis en évidence par Freud dans deux
articles princeps (Freud, 1910, 1912). Dans "Un type particulier de choix
objectal chez l'homme" Freud énumère un "certain nombre de conditions
déterminant l'amour", en apparence hétéroclites mais relevant d'une
explication psychanalytique simple, chez des hommes déterminés. La première
condition est celle du "tiers lésé" l'objet d'amour doit appartenir d'une
façon ou d'une autre à un autre homme. La deuxième condition est, en termes
crus, "l'amour de la putain : l'objet doit avoir une tache sur sa réputation
sexuelle.
Troisièmement, l'amant accorde à ce type d'objet la plus haute
valeur, avec d'ailleurs un caractère compulsif à cet amour. Lorsque, et
c'est souvent le cas, l'objet élu se révèle insatisfaisant, l'amant
retrouvera ultérieurement d'autres objets similaires en sorte qu'ils se
présentent souvent en longues séries. Pour Freud, il s'agit d'une
conséquence possible d'une fixation infantile à la mère. Il écrit, en effet
:
"Dans notre type [de la vie amoureuse normale], au contraire, la libido
s'est attardée si longtemps chez la mère, même après le début de la puberté,
que les objets d'amour ultérieurement choisis conservent l'empreinte des
caractères maternels et deviennent tous des substituts matériels facilement
reconnaissables".
L'imago de la mère et celle de la putain pouvant
coïncider chez le garçon lorsqu'il découvre que la mère se donne au père.
Plus tard, il pourra être tenté de "relever" et de "sauver" le substitut
maternel. En littérature Charles Swann vis-à-vis d'Odette se situait dans une
problématique de ce type.
Mais c'est dans "le plus général
15 J.-P. Vernant, Mythe et tragédie dans la
Grèce antique,
Maspéro, 1977. des rabaissements de la vie amoureuse" que Freud
précise sa pensée en ce qui concerne directement l'objet
de notre étude. Il s'agit en effet des hommes qui sont
atteints d'impuissance psychique "Deux courants ici ne se sont pas
rejoints, dont la réunion seule assure un comportement amoureux
normal ; ces deux courants, nous pouvons les distinguer comme
étant l'un le courant tendre et l'autre le courant sensuel".
Le courant tendre provient du
choix d'objet infantile primaire. "La 'tendresse' des parents... fait
beaucoup pour augmenter les apports de l'érotisme aux investissements des
pulsions du moi chez l'enfant." Le courant sensuel arrive avec la puberté.
Si initialement il investit les objets du choix primaire infantile, la
barrière de l'inceste l'amène à trouver d'autres objets étrangers. Freud, et
ce n'est pas par hasard, rappelle le verset de la Genèse : "L'homme quittera
son père et sa mère, il prendra femme et ils formeront ensemble une seule
chair".
Tendresse et sensualité se réunissant alors. Il s'agit d'une
évolution idéale. Si l'attachement aux premiers objets ne se fait pas d'une
façon satisfaisante, l'évolution peut se faire sur un mode névrotique. "La
libido se détourne de la réalité, est accaparée par l'activité fantasmatique
(introversion), renforce les images des premiers objets sexuels et se fixe à
ceux-ci. mais la prohibition de l'inceste contraint la libido tournée vers
ces objets à demeurer dans l'inconscient". Lorsque toute la libido est fixée
à des fantasmes incestueux inconscients, il en résulte une impuissance
absolue. Mais plus intéressants pour notre objet sont les cas d'impuissance
relative. Les seuls objets possibles sont ceux qui ne rappellent pas les
personnes incestueuses. "La vie amoureuse de tels hommes reste clivée selon
deux directions que l'art personnifie en amour céleste et en amour terrestre
(ou animal). Là où ils aiment, ils ne désirent pas et là où ils désirent,
ils ne peuvent aimer. Ils recherchent des objets qu'ils n'aient pas besoin
d'aimer afin de maintenir leur sensualité à distance de leurs objets d'amour
et, selon les lois de la "sensibilité complexuelle" et du "retour du
refoulé" cette étrange défaillance qu'est l'impuissance psychique survient
lorsque, dans l'objet choisi pour éviter
l'inceste, un trait, souvent peu
voyant, rappelle l'objet à éviter. Contre un tel trouble, le principal moyen
qu'utilise l'homme dont la vie amoureuse est ainsi clivée, c'est le
rabaissement psychique de l'objet sexuel, tandis que la surestimation
normalement attachée à l'objet sexuel est réservée à l'objet incestueux et à
ses représentants. Dans la mesure où est remplie la condition du
rabaissement, la sensualité peut se manifester librement, aboutir à des
réussites sexuelles et à un haut degré de plaisir." (cf. sur la pulsion
d'emprise : Paul Denis "Rapport au Congrès des Langues Romanes", 1992.)
Pour comprendre l'impuissance psychique, Freud est conduit à tenir
compte des formes où la symptomatologie est simplement ébauchée (cas
d'anesthésie partielle du désir et du plaisir).
Ainsi, il passe de la
psychologie individuelle à l'étude d'un problème de civilisation.
L'impuissance psychique chez l'homme est l'équivalent de la frigidité chez
la femme.
"Presque toujours l'homme se sent limité dans son activité
sexuelle par le respect pour la
femme et ne développe sa pleine puissance
que lorsqu'il est en présence d'un objet sexuel rabaissé". Freud ajoute
enfin : "Je n'hésite pas à rendre responsables de ce comportement amoureux
si fréquent chez les hommes civilisés, les deux facteurs qui agissent dans le
cas de la véritable impuissance psychique, à savoir : la fixation
incestueuse intensive de l'enfance et la frustration réelle de
l'adolescence."
La lecture de ce texte nous incite à penser que Freud
avait en tête, au-delà de 1' "amour de la putain", sa forme atténuée,
c'est-à-dire l'attirance pour des femmes de condition jugée inférieure, non
pas bien évidemment sur le plan moral ou intellectuel mais uniquement
hiérarchique. C'est ce qui est explicitement précisé à propos des choix
d'objet de l'Homme aux Loups. La prostituée a été volontiers définie au XIXe
siècle comme un "égout séminal" (Corbin, 1918).
Dans l'univers victorien la domestique (image clivée de la mère),
de par ses fonctions était considérée comme une femme dont la génitalité
était très proche de l'excrémentiel.
De nos jours, les pratiques sexuelles à
l'adolescence ont évolué, et nous pouvons penser que le rabattement de la
génitalité sur l'excrémentiel s'effectue pour certains hommes à travers des
attitudes de harcèlement sexuel. La subordonnée hiérarchique est bien jugée
inférieure, sa position ne lui permettant pas de se dérober. La tentative de
décharge immédiate de la pulsion, en tentant de faire l'économie de la
tendresse, se rapproche également de la satisfaction anale. Enfin, la
relation à l'argent est également présente puisque le contrat de travail
établit par définition un lien de subordination à l'égard de l'employeur en
contrepartie de la rémunération. Le harceleur renverse la position
oedipienne humiliante en plaçant son désir sur une femme représentant une
image maternelle quelque peu dégradée et en tentant de court-circuiter la
loi paternelle. C'est une expression de la "voie courte" (Janine
Chasseguet-Smirgel, 1984). L'homme tente de surmonter son angoisse de
castration vis-à-vis de la femme par une multiplication de ses conquêtes :
il s'agit pour lui d'éviter la passivité (Freud, 1938) tout en tentant de
mettre en acte un fantasme d'omnipotence infantile.
Sa position lui fait
considérer qu'il n'y a vraiment qu'un seul sexe, le sexe masculin,
expression d'une position phallique-narcissique (Green, 1961) : dès lors
l'homosexualité latente ici marquée, faisant de toute femme une partenaire
insatisfaisante par définition, entraîne une quête toujours inassouvie. La
femme tend à être représentée comme "un trou malodorant". Il faut y ajouter
le fait que les défaillances masculines, réelles ou fantasmatiques, ne sont
pas rares et qu'une nouvelle partenaire est moins angoissante que celle qui
a déjà fait l'expérience d'une étreinte insatisfaisante. Nous aurons reconnu un
certain nombre d'aspects du mythe de Don Juan : de nos jours le grand
seigneur libertin n'est souvent qu'un chef de bureau mais, comme lui, il
refuse de reconnaître ses dettes, comme lui il collectionne les femmes,
comme lui enfin, malgré les démentis de la réalité, il écarte de façon
inlassable l'image paternelle pour tenter d'imaginer qu'il est le seul à
pouvoir satisfaire la mère. Ce faisant, il est dans une lutte dont il
sortira finalement vaincu à l'égard de son homosexualité vis-à-vis de
l'image paternelle.
La dimension perverse est bien un pôle à partir de
laquelle plusieurs voies sont possibles. La perversité est le plaisir de
détruire l'autre, ou de le réduire à l'impuissance sans recherche de
satisfaction d'ordre génital : le harcèlement peut être le prétexte
d'humilier une subordonnée peu aimée ou qu'on sait particulièrement prude,
alors même qu'aucun passage à l'acte n'est envisagé. La perversion est le
plaisir sexuel obtenu à partir d'un scénario rigide qui renvoie à des
fixations infantiles et en dehors duquel la satisfaction n'est pas possible. De
toute manière, la recherche du plaisir est ici liée à la transgression. Dans
notre description du noyau névrotique nous avions déjà noté l'importance de
l'analité, elle est encore plus marquée en ce qui concerne la dimension
perverse et le livre de Janine Chasseguet-Smirgel : "Ethique et esthétique
de la perversion" nous a fourni des éléments précieux de compréhension.
Le harcèlement sexuel renvoie, en effet, aux conduites sadiques:
le patron jouissant de la contrainte qu'il impose à son
employée qui n'ose se refuser à lui ; il ne faudrait pas
oublier la dimension masochique : ce qui est recherché ici
inconsciemment par le sujet c'est la sanction légale (et dans ce
cas elle ne manquera pas d'arriver) ou bien encore l'humiliation
ressentie à se satisfaire d'une partenaire jugée
inférieure. Dans tous les cas, en fait, qu'il s'agisse de
l'objet ou du sujet il s'agit d'une fécalisation de la
sexualité. Comme l'écrit Janine Chasseguet-Smirgel : "La
loi n'est pas qu'un obstacle ; elle confère au sujet la
possibilité de s'identifier au père et
d'intérioriser ses pouvoirs créateurs pour chercher
à le battre sur son propre terrain, en quelque sorte".
Dès ors, celui qui s'écarte la loi ne peut disposer d'un
véritable pénis : "Il nous semble que le déni
de l'ordre génital est inséparable chez le pervers de la
régression sadique anale. Le retrait (partiel) d'investissement
sexuel et narcissique, le retrait d' "intérêt"
qu'opère le pervers de la dimension psycho-sexuelle
génitale, est reporté sur l'univers anal." L'hybris (la
démesure) s'oppose à la loi. Il s'agit de faire passer
"le petit pénis prégénital pour une pénis
aussi valable que celui du père en l'idéalisant". Pour ce
faire, le "pénis anal" est substitué au pénis
génital et le harceleur pervers se présente alors
volontiers comme le héraut d'une nouvelle morale d'apparence
plus plaisante ou plus "brillante" que l'ancienne, mais cet
éclat sert précisément à dissimuler le
caractère indifférencié et répétitif
de l'univers anal.
La "sexualité addictive"
(Joyce Mac Dougall, 1991) n'est pas absente non plus. Pour faire disparaître
sa douleur mentale, le sujet choisit la solution addictive. Le partenaire est
utilisé comme d'autres utilisent l'alcool ou le tabac, et petit à petit le
sujet en devient dépendant.
L'acte est préféré à l'élaboration mentale.
"Quand la sexualité est utilisée autant pour fuir des états psychiques
pénibles ou pour combler des lacunes dans le sentiment d'identité, que pour
réaliser des désirs libidinaux nous sommes en droit de parler d'addiction".
A l'âge adulte, la relation addictive aux objets fait suite à une relation
addictive à la présence et aux soins de la mère chez le nourrisson qui vont
empêcher la maturation du développement des phénomènes transitionnels.
Ultérieurement donc, "le sujet va chercher dans le monde externe un substitut
des objets abîmés ou manquants de son monde interne". Le recours à l'objet
de substitution permet d'éviter l'affect de détresse. Les conduites
addictives apparaissent comme un défi à l'égard des objets internes : aussi
bien la mère (dans un fantasme de contrôle omnipotent), que le père
(remplacé ici par un défi pour la société dans son ensemble), que la mort enfin
(le fantasme d'immortalité recouvrant le sentiment de mort interne). Toutes
ces dimensions sont effectivement retrouvées dans le harcèlement sexuel. Il
s'agit tout à la fois de contrôler la victime de façon omnipotente, de
défier le père, et la dimension mortifère enfin n'est jamais absente (aussi
bien dans le sadisme direct à l'égard de la victime que dans le parricide et
l'infanticide, présents dans tout passage à l'acte incestueux).
Ainsi, à travers l'analyse des aspects névrotiques, pervers et
addictifs, et leurs implications tant au niveau du narcissisme que de la
réalité perçue, il est possible de rendre compte de l'ensemble des conduites
de harcèlement sexuel, y compris celles où la relation d'autorité (cas du
médecin à l'égard de sa patiente) est avant tout symbolique.
Qu'en est-il à
présent des victimes du harcèlement sexuel ? Il n'entre pas dans notre propos de
discuter du bien-fondé de la plainte et nous renvoyons le lecteur intéressé
à un autre article qui traite du problème (Lepastier, 1992). Nous voudrions
aborder les conséquences du traumatisme pour les femmes. Notre analyse
s'appliquant avec quelques transpositions aux hommes victimes de manoeuvres
homosexuelles.
La victime évite rarement la survenue de troubles. Sur le
plan clinique elle ne présente le plus souvent que des réactions non
spécifiques : névrose d'angoisse avec mouvements dépressifs, inhibition
génitale ou, de façon plus accentuée, atteinte somatique. En somme, il s'agit de
ce que Freud avait décrit sous le nom de névroses actuelles (Freud, 1894,
1895, 1896), auxquels les psychosomaticiens de l'Ecole de Paris ont adjoint
la notion de troubles de la mentalisation (Marty, 1976).
La définition
du traumatisme est avant tout économique (Freud et Breuer, 1893) : il s'agit
d'un surcroît d'excitation qui n'a pu être abréagi par les voies de décharge
habituelle. Pour notre sujet, il importe de préciser que plusieurs
traumatismes minimes peuvent avoir le même effet qu'un traumatisme majeur
unique. Ainsi, des conduites, en apparence anodines peuvent, à long terme,
parfois entraîner de graves perturbations.
Pour celle qui le subit, le harcèlement est l'équivalent d'un
passage à l'acte incestueux qui réactive la culpabilité liée aux désirs
oedipiens. Il s'agit donc d'un inceste. C'est pourquoi, les conséquences
dépendent des conflits infantiles qui ne sont plus alors contenus par les
défenses habituelles. Les tentatives d'élaboration s'organisent autour d'un
noyau névrotique et d'un noyau dépressif.
Le passage à l'acte est
vécu, dans la quasi totalité des cas, comme une réponse au désir infantile
inconscient de rapprochement génital avec le père. Mais l'existence de ce désir
chez la femme ne permet pas de conclure que sa mise en acte soit licite.
L'évolution psycho-sexuelle normale consiste, on le sait, à se détacher de
ses premiers objets pour pouvoir investir sa libido sur des partenaires
adultes. Le harcèlement sexuel entraîne donc une régression chez la femme.
Par le dévoilement brutal du désir inconscient, est exercée une importante
violence ; c'est une attitude d' "empiétement". Tout inceste a une dimension
mortifère parce qu'il met en scène, au moins à un niveau inconscient, la
mort: non seulement réactivations de désirs mortifères à l'égard du rival
oedipien, mais aussi meurtre de l'enfant dans la mesure où son identité se
trouve niée et ramenée à un état de confusion et d'indifférenciation avec la
mère.
Les motions agressives sinon mortifères à l'égard du harceleur ne
pouvant s'exprimer directement, tant en raison des contraintes sociales que
de la culpabilité inconsciente ainsi réactivée, vont être retournées par la
victime sur elle-même. L'auto-accusation, le sentiment de honte, traduisent
bien la dimension dépressive et l'atteinte narcissique : bien souvent,
logique dans sa démarche, le harceleur tirera parti de ces réactions pour
rejeter la responsabilité sur la victime Celle-ci trouvera dans ces
accusations une confirmation de ses propres incertitudes, ce qui accentuera
sa souffrance. L'inceste, ici, n'est pas seulement une relation avec le père
mais tend à devenir une relation avec la mère, celle des premiers soins,
répétant la séduction originaire. Nous retrouvons bien une spirale
transactionnelle (Lebovici, 1980) mais, contrairement à ce qui s'est passé
dans les cas favorables au cours de l'enfance, l'évolution tend vers une
confusion croissante, surtout dans la mesure où le traumatisme se trouve
répété. Le lien avec le harcèlement n'est pas toujours fait.
Au-delà du
retentissement individuel, nous devons rappeler que bon nombre de difficultés au
sein des entreprises ou des institutions peuvent être des conséquences
directes ou indirectes de conduites de harcèlement. Même au sein des équipes
psychiatriques qui pratiquent une "analyse institutionnelle" (d'inspiration
marxiste le plus souvent) ces faits sont très généralement tus (Lepastier,
1989). A l'inverse, le recours au harcèlement peut se voir lorsqu'un certain
nombre d'hommes se sentent menacés, non seulement pour des raisons
personnelles, mais aussi pour des raisons touchant à leur statut ou à leur
sécurité dans l'entreprise. Ce dernier point, permet de comprendre pourquoi
cette conduite se manifeste de façon si inégale.
En tant que
psychanalystes nous ne sommes pas des réformateurs sociaux. Certes, nous
sommes des citoyens et le sort de la cité ne nous est jamais indifférent,
surtout dans les moments où grandit le "malaise dans la civilisation".
Cependant, d'une part l'expression de nos choix doit se faire avec une
réserve compatible avec les exigences de notre pratique, et d'autre part,
nous devons nous garder de justifier par des considérations psychanalytiques les
options que nous avons retenues. En effet, en dehors du cadre, le risque est
grand qu'une démonstration d'allure psychanalytique ne soit qu'une
rationalisation de positions passionnelles (ou tout au moins affectives). Dans ses recherches
touchant la civilisation, comme dans l'espace de la cure, le psychanalyste
ne peut prétendre avancer s'il n'accepte de suspendre son jugement
personnel. Dans le domaine qui a fait l'objet de notre étude, Freud écrivait
déjà en 1912 :
"Etant donné les vifs efforts faits dans la civilisation
contemporaine pour réformer la vie sexuelle, il n'est pas superflu de
rappeler que la recherche psychanalytique n'a pas plus de prétention de cet
ordre que n'importe quelle autre recherche. Elle n 'a d'autre but que de
découvrir des relations en ramenant le manifeste au caché. Que les
réformateurs se servent de ses découvertes pour remplacer ce qui est
nuisible par ce qui est plus avantageux, cela lui convient. Mais elle ne
peut prédire si d'autres institutions n'auront pas pour conséquences
d'autres sacrifices, peut-être plus lourds."
Samuel Lepastier
6,
avenue de Tourville 75007 Paris
Résumé
Le harcèlement
sexuel, abus d'autorité en vue d'obtenir des relations sexuelles même
partielles, ne peut être compris en dehors d'une perspective
psychanalytique. Les fantasmes qui le sous-tendent se rencontrent souvent au
cours des psychanalysés, ce qui nous incite à les proposer comme modèles de
ce qu'on peut observer dans les relations hiérarchiques.
Compte tenu des
récentes modifications du statut social des femmes, le harcèlement sexuel
apparaît comme une prolongement, à l'époque contemporaine, de certaines
formes de droit de cuissage dans les sociétés traditionnelles ou, plus
récemment, des amours ancillaires. Dans son article princeps, "Le plus
général des rabaissements de la vie amoureuse", Freud avait montré que cette
conduite renvoyait à d'importantes fixations incestueuses à l'égard de la mère
et avait pour fonction d'établir un clivage entre tendresse et sensualité
d'une part, mère idéalisée et prostituée d'autre part.
Compte tenu des
données recueillies au cours de l'analyse, et dans le prolongement des
perspectives freudiennes, on peut rattacher le harcèlement sexuel à un
fantasme de viol incestueux, tentative d'omnipotence et de négation de la
différence des générations chez le harceleur, amenant chez la victime une
réactivation traumatique non seulement de ses émois oedipiens mais aussi,
pour reprendre l'expression de Janine Chasseguet-Smirgel, de ce qui en
constitue la matrice archaïque. Loin d'être l'expression d'une génitalité
"libérée", il faut le comprendre comme un mouvement régressif avec
idéalisation d'un pénis anal, tentative de dérision et de court-circuit
identificatoire à l'égard du couple parental. Nous sommes ainsi confrontés à
la mise en place d'un scénario pervers dont l'impact traumatique reste le plus
souvent sous-estimé aussi bien dans le fonctionnement mental individuel que
dans les relations interpersonnelles dans les institutions et les
entreprises.
Sexual harassment,
abuse of authority with the intention of having a sexual relationship, even
partial, cannot be understood outside a psychoanalytical perspective. The
underlying fantasies which are often encountered during the course of
psychoanalysis, incites us to propose them as models of that which one can
observe in hierarchical relationships.
Taking into account the recent modification of the social
status of women, sexual harassment appears as a continuation to modern times
of the tradition of the taking of sexual liberties with women by the
nobility in traditional societies or, more recently, ancillary love. In his
first article "Über die allgemeinste Erniedrigung des Liebeslebens", Freud
had shown that this behavior goes back to important incestuous fixations
toward the mother and had the function of establishing a division between
tenderness and sensuality on the one hand and idealization of the mother and
prostitution on the other.
Taking into account these contemplated givens
during the analysis and in extension of the Freudian perspectives, one can
link sexual harassment to a fantasy of incestual rape,
attempted
omnipotence, and negation of the difference in generations with the harasser.
This brings about a traumatic reactivation with the victim, not only of his
oedipian emotions but also to take the expression of J. Chasseguet-Smirgel,
of that which constitutes the archaic womb. Far from being the expression of
a "liberated" genitality, it must be understood how a regressive movement,
with the idealization of an anal penis, attempted derision, and of short
circuit identification in regards to the parental couple. We are thus
confronted with the creation of a perverse scenario, from which the
traumatic impact remains most often underestimated in the individual's
mental functioning as well as in the interpersonal enterprises.
Key
words: sexual harassment, OEdipus, complex, psychic rape, anal penis.
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