A propos de "L'ordinaire de la passion, Névroses du trop,
névroses du
vide"
de Jean Cournut
Si vous aimez trop, ce n'est plus
de 1' amour, c'est de la rage ; quand vous haïssez trop, c'est le rouge
terrifiant au bord duquel vous risquez à tout moment de chavirer. La limite est
floue, la démesure toute proche : un peu, beaucoup, passionnément, et tout
de suite après c'est la folie ou, pire peut-être, pas du tout".
Ce
dont va nous parler Jean Cournut, c'est du point de vue économique dans le
fonctionnement du psychisme, c'est-à-dire de celui des trois aspects
définissant la métapsychologie (dynamique, topique, économique) qui a été le
moins étudié par les théoriciens de la psychanalyse.
Freud lui-même,
tout en le déplorant, l'a quelque peu négligé. Aussi Jean Cournut
entreprend-t-il de faire le tour de la question en l'examinant à travers les
multiples formes sous lesquelles elle se présente à nous. Il suit, pour ce
faire, la seule méthode valable, celle de l'analyse.
Méthode qui, dans ce
cas, à en outre l'avantage de mettre comme l'avaient fait les philosophes
les passions"au pluriel pour mieux nous apprendre à les dompter, une à une".
"L'Ordinaire de la Passion" c'est le "trop" : trop de vide ou trop de
plein, il n'importe ; le "trop", c'est toujours l'absolu, fascinant et
mortifère. Enchaînés au "trop", les uns s'engloutissent en lui à corps
perdu, les autres le refusent, s'entourent de murailles défensives, oubliant
que c'est en eux qu'est la pulsion.
Tout au long de cet ouvrage d'un très
grand intérêt, Jean Cournut examine donc une à une les figures du "trop
plein" et du "trop vide" en s'attachant à appuyer chacune de ses avancées
théoriques sur un fragment de cas clinique, ce qui rend aisée la
compréhension l9de son aspect théorique.
Pour parler des "mots de la
passion", il écrit : "En les appelant passionnels, on a décrit des états
affectifs de débordement et en contre, de vides psychiques. Dans notre propos,
le mot passion" englobe et désigne les manifestations diverses et
polymorphes par lesquelles s'effectuent, tant bien que mal, des tentatives
visant à décharger ou à immobiliser des excès de forces pulsionnelles que
l'appareil psychique semble dans l'incapacité de métaboliser" et il a cette
heureuse formule : "Toute la démarche freudienne vise à théoriser et à pratiquer
cette tentative: comment transformer de l'insupportable en inconciliable,
comment organiser un trauma pour qu'il devienne un conflit ?".
Le
seul défaut de ce livre brillant mais est-ce un défaut ? est d'être trop
complexe et trop riche pour être résumé ; notre propos était seulement de
vous donner envie d'entreprendre le voyage.