Pour conforter l'hypothèse selon laquelle une civilisation, une culture, se
développent peu ou prou suivant les mêmes schémas que les êtres qui les
composent, certains évènements contemporains vont nous offrir la redoutable
et périlleuse occasion de formuler une prédiction.
Un changement de
point de vue semble se dessiner en ce qui concerne le droit de vie et de
mort que les Etats exercent sur leurs sujets ou citoyens.
Or, si nous considérons le devenir de 1' enfant, nous pouvons
constater qu'au départ les parents ont droit de vie et de mort
sur leurs rejetons, par exemple en les négligeant.
Si nous considérons la Famille, nous voyons, qu'en ses débuts,
le "Pater Familias" avait droit de vie et de mort sur toute sa maisonnée :
femmes, enfants, esclaves, etc. Puis, ce droit lui fut retiré ; mais il
gardait (jusqu'au XIX siècle) sur les femmes, les enfants et les domestiques,
une autorité qui pouvait être lourde.
Ainsi en fut-il des sociétés :
d'abord une royauté absolue, où le Souverain avait droit de vie et de mort
sur ses sujets ; puis ce pouvoir lui fut retiré, et seule la Justice, qui obéit
aux lois et non à l'arbitraire, put décider de la vie ou de la mort des
hommes.
Mais, à l'intérieur de la famille, la cohésion restait
sacro-sainte, et le divorce ou interdit, ou si rare et si mal famé qu'il en
était quasi inexistant. Personne, ni l'Etat ni la Justice (sauf crime)
n'était autorisé à se mêler des affaires intérieures d'une famille. En ce
qui concerne les Etats, la sacro- saint interdiction d'immixtion dans les
affaires intérieures des Etats (même criminel-les) est la règle, et le
droit de se séparer, de vivre chacun chez soi, dans des frontières
personnelles (le droit de divorcer, en somme) n'est pas reconnu pour les
peuples. Les frontières de chaque état, pour arbitraires et récentes
qu'elles soient, sont intangibles, tout au tant que l'était autrefois un
mariage, aussi bancal fut-il. Est-ce un hasard si, au moment où le droit de
ne pas être battus, celui de choisir de vivre ensemble ou séparés est entré dans
nos moeurs, il nous devient tout à coup inacceptable que des peuples soient
battus, tués, obligés de vivre "sous le même toit" que ceux qui les briment,
les battent, les tuent ? C'est là qu'on propose un hasardeux pari, en
faisant l'hypothèse que bientôt (années ? décennies ?) les ethnies qui se
haïssent ne seront plus obligées de vivre ensemble.
Par pression de
l'opinion internationale sûrement. Par quel moyen ? L'avenir décidera.
Mais si l'hypothèse de départ qui fonde cette revue - à savoir que les
sociétés évoluent, peu ou prou, comme les êtres humains qui les composent -
a quelque réalité, alors certains abus des Etats seront bientôt impossibles.
Le fait que nous portions désormais dans notre psychisme (conscient,
préconscient et inconscient)et fut-ce de façon très modeste, l'idée que TOUT
individu à des droits, rendra inévitable un changement du comportement des
Etats.
G. B-R.
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