Hypothèse d'une relation entre transgression et pensée
Prof. Eugenio Gaburri
Psychiatre, Psychanalyste, Milan, Italie
Notes concernant l'article d'E. Gaburri
La "Rêverie est un état particulier du psychisme de la
mère, par rapport au bébé, dans lequel, à
travers une attention rêveuse, elle est capable de satisfaire
aussi bien ses besoins physiques (nourriture, propreté, etc.)
que de lui renvoyer, bonifiées ou, mieux encore,
transformées, les angoisses de mort qui naissent dans les
premières phases de la vie. A travers la "Rêverie de la
mère" se constitue dans la psyché de l'enfant,
l'idée de "contenant" dans lequel il peut développer ses
propres pensées. Chez Bion, le concept de "lien de sens" entre
contenant et contenu est particulièrement valorisé.
La "Fonction alpha", qui naît en grande partie de la
"Rêverie", est capable de donner du sens là où les
"éléments bêta" sont produits par le cerveau
à l'état brut, et sont porteurs de 1'angoisse de mort.
Autrement dit, la "Fonction Alpha" est le garant d'un rapport
créateur entre "contenant et contenu".
"L'identification projective" est un concept forgé par
Mélanie Klein qui avait le sens de fantasme omnipotent, au moyen
duquel il est possible d'évacuer sa propre angoisse
destructrice, en la "projetant" sur l'interlocuteur, qui s'en trouve
envahi.
A travers les concepts de "rêverie", "contenant-contenu" et
"fonction alpha", la théorie de Bion permet d'ajouter une valeur
de communication à "l'identification projective".
Eugenio Gaburri
Docteur en psychiatrie, E. Gaburri a pris une part importante aux
transformations et réformes qui ont profondément
changé la psychiatrie italienne et ses structures
hospitalières, y introduisant un total renouveau. Professeur,
depuis 1971, à l'Université de Gènes, il est
psychanalyste, membre de la Société de Psychanalyse
Italienne, et auteur de nombreux ouvrages dont :
1975 - "Problèmes de dynamique de groupe en Institution universitaire". Ed. "Il pensiero Scientifico" Rome, Italie.
1976 - "Le silence en analyse" Ed. Guaraldi.
1978 - "Le langage psychanalytique dans le groupe de formation psychothérapique" Ed. Riuniti.
1979 - "Narration et Interprétation" Ed."Il Lavoro Editoriale" (Ancona, Italie)
1986 - "Eléments narratifs et Interprétation" Ed. Buizoni, (Rome).
1989 - "De la Nostalgie" Ed. Lubrina (Bergamo)
1990 - "Thought Disorders and Identity disturbances between the
individual and the Group" International Univ. Press Inc. Madison,
Connecticut, U.S.A.
Et de ses articles :
1976 - "Réalité psychique et setting psychanalytique" In" Rivista di psichoanalisi"
1980 - "Proto-communication et communication dans le rapport analytique" Id.
1983 - "Idéalisation et narcissisme dans la relation entre Soi et Objets" Id.
1986 - "Du jumeau imaginaire au compagnon secret" Id.
1977 - "Narcissisme destructeur, Rapport d'objet anal et auto-érotisme". P.U.F.
Hypothèse d'une relation entre transgression et pensée Nos patients nous confrontent souvent à
des problèmes qui concernent les limites et les normes : normes
surmoïques limitatives, manque de limites du "Soi",
élargissement ou rétrécissement des
frontières des aires de relations ; si nous ajoutons que le
problème de la connaissance, intrinsèque à la
psychanalyse, est un problème de frontières (de la
connaissance), nous pouvons certainement dire que la
problématique relative à"franchir" (ou ne pas franchir)
ces frontières est un point nodal pour notre discipline.
C'est pour ces raisons que je me suis intéressé au
thème de la "transgression" qui, en un seul mot, rassemble dans
son ambiguïté intrinsèque toute la complexité
de ces problématiques.
Le terme de "transgression" a deux sens opposés : d'une part, il
signifie refuser les limites imposées par une norme, de l'autre,
il signifie "aller au-delà" d'une limite, et "outrepasser le
connu". (La racine latine, "transgredior" n'implique aucun jugement
moral ; il semble que l'acception morale soit due à une exigence
d'orthodoxie de l'église catholique, pour laquelle le
"transgresseur" était forcément un
hérétique.)
Mon intérêt pour ces thèmes a été
accru par mes recherches sur les relations entre
phénomènes de groupe et origine de la pensée :
j'ai été confronté, dans cette recherche, à
une opposition suggestive entre le concept bionien des
"hypothèses de base" (basic assumption) de groupe (en tant que
phénomènes intimement liés à la
genèse des normes et à la position de pseudo-connaissance
-K), et le concept, tout aussi bionien, de la "rêverie de la
mère" comme lieu de naissance de la pensée. Nous verrons
plus loin comment cette fonction maternelle est d'autant plus
réalisable que la mère peut transgresser les
"hypothèses de base", celles-ci étant reliées
à des situations mentales, elles-mêmes étroitement
liées au besoin de stase, de conservation, de rester "en
deçà" des limites.
Un article de Meltzer a ravivé mon intérêt pour ces
recherches : il y propose une inquiétante homologie entre les
présupposés de base de Bion et l'origine de graves
maladies psychosomatiques, que lui-même appelle
"soma-psychotique". D'après ce qu'il définit comme une
"conjoncture fantasmatique", les éléments bêta*
proto-mentaux de l'enfant restent béants, (organisés
défensivement autour des présupposés de base,
quand ils ne sont pas transformés par la fonction alpha* de la
rêverie de la mère). Ils peuvent alors, non seulement se
transformer en "hallucinoses", comme le dit Bion, mais encore,
retrouvant des propriétés malignes, ils pourraient
s'enkyster matériellement dans le biologique.
Selon Meltzer, il est possible de penser au surgissement d'une masse
tumorale (il parle alors d'une tumeur née à tel moment de
la vie d'une de ses patientes) comme à un agrégat
d'éléments bêta, reconvertis par un processus du
même genre. Ayant observé, dans ma pratique de groupe, la
violence du jaillissement de certaines manifestations somato-psychiques
chez des individus pris dans des situations émotives de groupe,
j'ai trouvé pareille hypothèse très hardie, mais
pas invérifiable.
Je me propose ici de considérer comme une manifestation de
présupposés de base les phénomènes sociaux
qui ont un rapport avec le conformisme, les idées-slogans, la
soumission au charisme thaumaturgiques des idéologies (p.ex. un
certain type de soumission de la mère aux idées à
la mode sur les soins à donner aux enfants), en somme tout ce
qui, à travers le social, exalte la non-pensée.
Il résulte implicitement, comme conséquence de ces
considérations, qu'il y a une relation inquiétante et
paradoxale entre le prétendu réalisme, (souvent
lié à l'approbation sociale) et une frange
soma-psychotique de non-réalité, qui ont toutes deux la
même origine. Ces liens possibles entre réalité et
pensée ont excité ma curiosité et m'ont
poussé à chercher quelle pourrait être la fonction
de la transgression en ce qui concerne le travail psychanalytique.
Mais retrouvons le mot "transgression"; comme nous l'avons vu,il a deux
sens : le plus habituel est "ignorer la norme" ; l'autre, originaire,
mais encore présent dans le mot, est "aller au-delà",
"outrepasser", "passer outre".
Je voudrais également signaler une caractéristique utile,
qui éclaire cette conception par rapport à ces processus
et, en particulier, à celui de "continu/discontinu". En effet,
dans l'acception de "transgresser/outrepasser", une idée de
discontinu, de nouveau, d'imprévu est implicite. D'où une
considération importante : la transgression en tant que "ignorer
la norme" n'inclut pas une vraie discontinuité, si l'on tient
compte du fait que le concept de norme contient déjà en
lui-même une idée implicite d'expiation : pour celui qui
évite la norme l'imprévu, la seule chose non
prévisible est : sa transgression va-t-elle rester, ou non,
occultée, cachée aux autres. Dans l'acte d'outrepasser au
contraire, l'imprévu (et ceci me semble particulièrement
important) se trouve au-delà de l'aire "normale" et l'acte
transgresseur, celui qui va "au-delà", a besoin de se faire
connaître justement parce qu'il est porteur de nouveauté.
Il me faut ici rappeler l'article de Freud : "Du Sens Opposé
dans les Mots Primitifs". Freud y indique une équivalence entre
la nature des représentations oniriques et l'origine des
premiers processus de sens où, avec une même parole-signe,
on indiquait un concept et son contraire.
C'est une fonction particulièrement présente à
l'origine de la formation du symbole (ex. : clair-obscur, fort-faible,
indiqués par le même signe). Il me semble évocateur
de considérer le sens, double et opposé, du mot
"transgression" en tenant compte des facteurs que Freud signale comme
étant à la base des processus originaires du sens et de
ce qu'actuellement nous tendons à considérer (Meltzer) en
tant que "pensée-onirique". Une telle convergence de sens
opposés me semble particulièrement intéressante
dans une recherche sur l'origine de la pensée, parce que c'est
là qu'il est nécessaire de se situer, dans une aire
où on est obligé de contenir en soi le passage entre des
expériences contraires : l'aire entre le connu et l'inconnu,
entre le réel et le non-réel.
Une curieuse concordance sémantique nous alerte encore: en
termes de géologie, une aire de transgression est celle qui se
trouve entre la mer et le continent. "Transgression" : mouvement marin
qui déborde sur les aires continentales avoisinantes ou sur les
bords des géosynclinaux" ; dans un terrain "transgressif", l'eau
remplit une lagune par de nouveaux dépôts
sédimentaires, qui se trouvent en discordance stratigraphique
avec ceux qu'il sont en train de recouvrir. Les termes employés
dans cette description : zone émergée zone
immergée, avancée et mouvement de la mer, lagune
stratigraphique, continent, sont des termes hautement évocateurs
par leur analogie avec des situations propres à la relation
analytique. La rencontre entre conscience et inconscient, entre contenu
et contenant (entre PsD), se fait, elle aussi, par des constructions,
des transformations, comme avec des lagunes/lacunes. On dira
peut-être que ce n'est qu'une autre façon de parler de ce
qu'on connaît déjà : "l'aire transitionnelle" ;
mais ma proposition me paraît pouvoir mettre en évidence
certaines des composantes inquiétantes du "risque
catastrophique" de cette aire ; en définitive, une sorte
d'espace transgressif que le concept d'aire transitionnelle ne contient
pas.
(Dans un article récent, Tagliacozzo soutient que personne n'est
coupable de son équation "névrotique et psychotique",
mais seulement du refus de la reconnaître. Il arrive
hélas, sur le divan aussi bien que dans le monde de la culture
ou dans la relation mère/enfant, qu'on méconnaisse le bon
affect, et qu'on s'enferme dans un réseau pervers de pseudo
valeurs, à cause d'un ensemble d'angoisses qui a "tué" la
possibilité d'une première pensée. Cette citation
me semble montrer que la "possibilité de penser", que
Tagliacozzo propose comme but à la psychanalyse, à
beaucoup de points communs avec ma proposition : "la pensée
comme transgression").
Sur cette frontière, dans cette zone de contact entre mer et
continent l'analyste et son patient vont vers ce que Bion a vu, dans la
fable d'Ur, comme ces courageux larrons qui"osent voler les
trésors cachés et gardés par des esprits dangereux
et méchants".
J'aime imaginer que ce qu'ils volent en le tirant hors de la mer de
l'indifférencié ne soit autre chose que des formes de
pensée, semblables à des reliefs et des stratifications
du continent.
Faire émerger la pensée, c'est une transgression par
rapport à l'omnipotence qui, elle, nous induirait à ne
nous occuper que de notre propre survie, de la naissance à la
mort. J'aimerais rappeler, à ce propos, une organisation
particulière de l'omnipotence qu'on peut observer dans un groupe
apparemment satisfait mais en réalité immobilisé
dans une position de présupposé de base.
Faire de l'analyse, au contraire, faire naître des pensées est en rapport avec l'imprévu et
l'inconnu, et encore davantage lorsque l'analyste et le patient, unis
dans la relation "au-delà de la mémoire et du
désir" découvrent tout à coup qu'ils sont seuls,
et très loin des références à la
théorie.
On pourrait peut-être convenir qu'il y a quelque chose de commun
entre la nature originaire de cette instance transgressive et la nature
même de la relation analytique dans sa façon de
s'instaurer, de se développer et, "transgressivement", de se
terminer; quelque chose qui ressort à la nature humaine. Ce
n'est pas par hasard que la découverte de la psychanalyse est
aussi profondément liée au drame, à l'essence du
drame oedipien. OEdipe, le transgresseur par excellence, et celui qui
résout les énigmes, est continuellement poussé
à "aller au-delà", à outrepasser, à ne pas
céder à l'énigme majeure, à la mort ; ni
à elle, ni à la maladie des enfants que la peste est en
train de préparer : "Vous, sève nouvelle de l'arbre
antique de Cadmos, vous, mes enfants...". Mais l'hypothèse d'un
lien entre transgression et pensée m'est apparu encore plus
convaincant au fur et à mesure que se précisait, dans mon
esprit, l'idée que la pensée a ses qualités
propres, bien différentes de la connaissance (la connaissance
n'a pas besoin, comme la pensée, de savoir que la mort existe).
Je découvrais, en même temps, et plus clairement encore,
l'erreur de certains auteurs qui ont voulu identifier le processus de
formation de la pensée au développement de
l'apprentissage. J'ai compris aussi que les fonctions qui
président à l'adaptation, qui est la base de la formation
du moi, sont encore plus radicalement différentes. En effet,
tandis que la connaissance se réalise surtout en vertu des
capacités d'un appareil transmetteur et peut en partie, se
passer d'établir une relation avec les objets internes, la
pensée a besoin, à cause de sa nature propre, d'un
interlocuteur pour se former; d'un interlocuteur qui "la contienne dans
son espace interne", la rendant ainsi utilisable, introjectable. Car la
pensée contient en elle quelque chose de trop inconnu pour ne
pas être ressenti comme dangereusement destructrice.
Mes réflexions sur la nécessité d'établir
une différence radicale entre connaissance et pensée, ont
été renforcées par la relecture de Bion qui, dans
une étude sur 1' analyse des schizophrènes, distingue la
formation d'une "notion" de la formation d'une "pensée". Selon
Bion la "notion", matériel de la connaissance, dérive de
la rencontre gratifiante d'une préconception (l'idée du
sein) avec une réalisation, (la rencontre avec le sein
réel). La pensée, au contraire, dérive de
l'expérience (offerte et réalisée) d'un moment
particulier et ineffable de la relation, capable d'accroître,
à l'intérieur de l'enfant, (et pourquoi pas de la
mère ?), la tolérance à la non-chose (au
non-sein), permettant ainsi l'instauration de la représentation
en tant que précondition de la pensée elle-même.
Comme nous le savons, Freud avait relié la naissance de la
pensée à la frustration particulière qui
naît de l'ajournement de la décharge pulsionnelle. C'est
ce temps de 1' attente que la pensée nous permet de
tolérer Mais, tandis que Freud considère comme premier
l'élément diachronique, Mélanie Klein, et plus
tard Bion, focalisent sur l'élément synchronique, spatial
et relationnel.
"L'absence", postulée comme condition nécessaire à
la naissance de la pensée n'est donc pas une carence de relation
mais, au contraire, elle développe une autre forme de lien
fantasmatique, qui va "au-delà" de la saturation pulsionnelle
qui a fait défaut, et permet de supporter les fantasmes
angoissants et persécuteurs qui naissent de l'ajournement de la
satisfaction.
Si cette transformation spécifique manque, des modalités
de substitution du contrôle omnipotent sur les angoisses de
persécution se développent. Ces substitutions sont un
"mime" de la transgression, non plus comme possibilité d'aller
"au-delà", mais comme compulsion.
J'éclaircirai plus loin ce concept en le reliant au phénomène de l'acting-out.
Galilée, passionné par la recherche de nouveaux
territoires, et abandonnant les vieilles certitudes, ne se sentait pas
concerné par la transgression des anciennes normes
ecclésiastiques.
Freud, lui aussi, dans sa recherche passionnée de sa
vérité intérieure, ne se présentait certes
pas comme un tribun voulant à toute force modifier les moeurs et
cela, même en s'opposant à la "morale sexuelle
civilisée et même lorsqu'il"faisait scandale".
On peut du reste penser que l'opération spécifique de
pensée, la transgression originaire de Freud se situe surtout
dans le fait d'avoir outrepassé la frontière
tracée par la règle qui fixait les rapports
médecin/patient, jusque-là figés dans
des rôles institutionnalisés. C'est pourquoi nous savons
que le travail de fantasmes/pensée de son autoanalyse, celui qui
a mis Freud sur le divan à la place de son patient "absent" a
été 1'instant de génie de sa pensée. Sans
ce moment de transgression, ses théories sur la
sexualité, qui étaient la cible manifeste du "grand
scandale", n'auraient certes pas eu la puissance fracassante qu'elles
ont eu.
Mais en quoi consiste alors la nature intime de cette instance
transgressive qui pourrait, parallèlement, être
considérée comme un
élément de la psychanalyse, et un facteur primaire de la
formation de la pensée ?
Le mythe de Prométhée. Avant
de proposer une hypothèse à ce sujet, je ferai quelques
remarques sur le texte de Freud : "l'Acquisition du feu". Freud nous y
donne une interprétation intéressante par rapport
à un autre
héros de la mythologie grecque : Prométhée
"héros de culture" et, aussi, "héros transgresseur", qui,
par plusieurs côtés, est apparenté à OEdipe.
Prométhée, dans certaines versions du mythe est
même le créateur des hommes.
Suivant la théogonie, c'est un Titan, le plus intelligent des
Titans, qui favorise le développement de la connaissance chez
les hommes, contrairement à Zeus, qui est jaloux et vindicatif ;
pour ce faire, il rapporte sur terre le feu dont Zeus avait
privé les humains. On sait qu'il sera puni en étant
enchaîné à un
rocher et qu'un aigle dévorera son foie, qui repoussera
constamment. Dans toutes les variantes du mythe,
Prométhée est identifié à l'esprit
d'initiative, à la capacité d'inventer des solutions qui
permettent de dépasser (outrepasser) les obstacles, lesquels
sont des représentants de l'envie des Dieux.
Freud part d'un élément du mythe :
Prométhée a rapporté le feu sur terre en le
cachant à l'intérieur d'un bâton creux. Symbole
phallique évident, dit Freud ; mais il met l'accent sur la
cavité; puis il ajoute si nous appliquons au mythe nos
méthodes d'analyse des rêves, c'est-à-dire
l'inversion, le déplacement, la transformation dans le
contraire, nous pouvons dire que ce n'est pas le feu, mais l'eau qui
est contenue dans le bâton creux, autrement dit le jet
d'urine, qui permet d'éteindre le feu. Le pouvoir pris sur
le feu vient donc surtout de la possibilité de le conserver en
renonçant au plaisir immédiat de l'éteindre avec
le jet d'urine.
Mais un point essentiel de la découverte de Freud se trouve dans
la révélation que "ce n'étaient pas les Dieux qui
étaient offensés mais la vie pulsionnelle, le ça".
Le porteur de feu avait donc "renoncé à une pulsion et
indiqué qu'un
tel renoncement était bénéfique et même
indispensable aux intentions de la civilisation". Dans la punition
infligée à Prométhée, Freud entrevoit" sans
doute aucun la rancoeur que l'humanité pulsionnelle dut
éprouver contre le héros de la civilisation".
(J'ajouterais l'hypothèse que, dans ce passage, Freud se trouve
très près du concept d'envie développé par
Mélanie Klein, si on 1'entend comme attaque brutale, provenant
des parties les plus archaïques, instinctuelles, par rapport
à l'objet ; pas seulement parce que celui-ci est bon, mais parce
qu'il stimule le changement et la transformation.)
Ce que doit expier Prométhée, ce n'est pas le vol, mais
sa transgression de la réponse pulsionnelle automatique,
spécialement dans sa forme ritualisée par le groupe. On
pourrait dire que le vrai délit de Prométhée fut
de s'opposer au présupposé de base du groupe en proposant
une idée neuve. Ce n'est donc pas le feu que
Prométhée a donné aux hommes, mais la
possibilité de le conserver et de le mettre à l'abri,
faisant en sorte que la réponse pulsionnelle puisse être
différée en l'élaborant au moyen de la
pensée.
La rêverie. Comme je l'ai
déjà indiqué, il me semble qu'on peut trouver
plusieurs indices de la présence d'éléments
transgresseurs dans la fonction maternelle de "rêverie", fonction
qui a des rapports en même temps avec une activité et avec
un contenant à un moment spécifique, où se
réalise le passage des éléments
sensoriels de l'enfant aux éléments destinés
à être transformés en pensée. Il est bon de
rappeler que la "rêverie", au contraire d'autres
conceptualisations qui postulent un passage par une phase de fusion
primaire et de symbiose, n'identifie pas sa fonction à
l'amélioration du champ relationnel des angoisses de mort de
l'enfant ; la "rêverie" postule que ces angoisses doivent
être transformées afin de devenir plus tolérables
et donc mieux pensables.
En effet, "Si la relation sein/bébé permet au
nouveau-né de projeter une sensation, par exemple celle
d'être en train de mourir, à
l'intérieur de la mère, et ensuite de la
réintrojecter, parce que son séjour dans le sein maternel
l'a rendue assimilable pour son psychisme, alors on aura un
développement normal. Si, à l'inverse, la mère
n'accepte pas de recevoir, dans son propre psychisme, la projection des
angoisses de son bébé, celui-ci aura l'impression que sa
sensation d'être en train de mourir a été
dépouillée de tout sens il réintrojectera alors
non plus (comme dans le cas d'une mère capable de rêverie)
une peur de mourir rendue tolérable, mais quelque chose
d'inassimilable : "une terreur sans nom".
Pour rester dans la métaphore mythologique, nous pouvons
imaginer que la mère est constamment tentée de refuser
l'entrée aux identifications projectives, réalisant ainsi
des "réponses immédiates" comme le ferait une
humanité
pulsionnelle, occupée à éteindre le feu avec le
jet de sa propre urine. La force de cette tentation est
augmentée par le fait que la mère trouve dans son groupe
social un "rôle établi" qui s'offre à elle comme
solution magico-réaliste de ses problèmes de rapports
avec son
bébé (prescriptions d'hygiène du pédiatre,
du psychologue, de la publicité). Tout cela me fait craindre que
le fonctionnement psychique de la mère ne soit annexé par
les lois du
présupposé de base. La mère humaine a donc besoin,
à ce moment-là, de s'identifier à
Prométhée, d'aller au-delà de la réponse
automatique pulsionnelle (et, tout d'abord, de celle d'occulter les
manifestations des angoisses de mort) et de devenir ainsi le contenant
spécifique et original de la réalité mentale de
son bébé.
L'analyste se trouve dans une situation émotive analogue lorsque
son patient le bombarde de violentes identifications projectives. Sous
la pression du danger, son désir de se réfugier dans un
rôle connu s'intensifie : rôle d'analyste, ou de miroir
neutre, ou d'être très bon, très humain,
d'être un conseiller objectif, un témoin de la
réalité, etc., cela venant se substituer à
son activité spécifique de
travail d'autoanalyse centré sur ses émotions
contre-transférentielles, induites par l'introjection des
identifications projectives du patient.
Comment une mère humaine peut-elle être capable de faire
tout cela? De quelle façon s'organise, en elle,
l'élément transgressif, la
possibilité d'aller au-delà ? Où prendre la force
de rendre pour ainsi dire "simplement" à l'enfant une "sensation
d'être en train de mourir" devenue plus tolérable ?
Nous devons peut-être supposer que l'enfant a des qualités
émotionnelles particulières, liées à la
présence d'objets embryonnaires internes particulièrement
vivaces (et d'une certaine façon transmissibles) qui puissent
offrir à la mère l'occasion d'une expérience
relationnelle spécifique. L'écoute psychique, en grande
partie préconsciente, que la mère "doit pouvoir se
permettre" pourrait être proportionnelle à sa
possibilité d'utiliser cette occasion que la présence de
1'enfant lui offre, de revisiter les lieux mythiques de son
passé et, par ce moyen, de "se reconnaître dans son enfant
comme dans un miroir vivant", tout en de reformulant sa pensée
sur sa propre sexualité.
Le fait de retrouver son autonomie dans sa relation sexuelle avec son
partenaire, de réinterroger sa propre bisexualité trouve,
comme point d'appui dans l'actuel, la rencontre avec l'enfant. Mais la
"rêverie", en tant qu'elle est liée
à "elle-même enfant du passé", élabore une
image de "l'enfant lui-même adulte dans le futur" qui est
proportionnelle à la possibilité de passage de tous les
éléments de concordance-discontinuité qui se
forment dans son espace mental. Dans cet espace se trouve le double
couple : mère/enfant et mère/père. Dans le
fantasme de la mère, cette confluence/diffluence d'instances
différentes, de formulations nouvelles et imprévues au
sujet des liens, peut créer cet espace transgressif que la
métaphore géologique évoquait si bien. Dans cet
espace, l'Imago paternelle, représentée par le partenaire
sexuel réel (en tant que transformation et non pas en tant que
simple substitut de l'Imago oedipienne) permet de passer d'une
scène primitive statique (parents combinés, Sphinge,
etc.) à une élaboration plus vivable de la matrice
oedipienne. Le problème des angoisses de castration et de mort
est généralement lié au sevrage ; il pourrait
l'être, et de façon plus appropriée, aux
problèmes de 1' allaitement et de la reprise de la vie sexuelle,
ce qui permettrait une meilleure intégration entre
sexualité et procréation, ce qui est toujours si
problématique.
Après un passage très difficile, un patient m'a dit "ce
n'est que maintenant que je m'aperçois que chaque séance
est différente des autres ; peut-être que le
bébé trouve aussi que chaque tétée est
différente ; il doit m'être
arrivé quelque chose pendant ce temps-là, pas seulement
à moi mais à ma mère aussi, et sûrement pas
une chose pénible".
Je crois qu'ainsi le lien originaire autoérotique du
bébé avec ses objets internes trouve un lieu, dans la
psyché de la mère, où il peut faire partie des
rapports sexuels des parents, rapports qu'ils viennent de reprendre. Ce
n'est qu'ainsi que les fantasmes destructeurs, si difficiles à
contenir dans les moments de réalisation autoérotique
(à cause de l'absence du sein) deviennent plus tolérables
et moins envahissants.
C'est aussi comme cela que le narcissisme mégalomane, qui a ses
racines dans 1'assymétrie originaire, peut trouver un lieu
d'articulation avec une représentation de symétrie
virtuelle qui permette à l'enfant de vivre de façon moins
persécutrice et plus satisfaisante la dépendance à
la mère. C'est dans l'aire transgressive de la psyché
maternelle que peuvent se réaliser toutes ces transformations et
ces bouleversements des liens qui se défont, se combinent et se
renouent, que peut trouver sa place l'image énigmatique de la
"non-chose" comme exigence vitale, matrice de la fonction de la
pensée.
Pour conclure ces réflexions sur la rêverie, je dirai que
plus on acceptera comme vraisemblable l'hypothèse que la
naissance de la pensée
est liée à un élément et à un espace
transgressif de la psyché de la mère, et plus on
constatera que le postulat qui prétend qu'existe un nirvana
originaire ou un paradis terrestre fusionnel est inacceptable. La
création de ce fantasme pourrait en effet être
liée, justement, à une carence du contenant dans un
espace transgressif.
Une autre conséquence devrait en être la radicalisation de
l'hypothèse de M. Klein, qui pense qu'existent chez l'enfant, et
dès sa première inspiration, des liens objectaux
archaïques et un noyau moïque embryonnaire, qui sont ses
attributs, autonomes et actifs. Ils sont présents en tant
qu'éléments non saturés, de telle sorte que le
traumatisme du passage de la chaleur du ventre maternel au froid du
dehors ne se transforme pas, pour les noyaux virtuels de la
psyché, en catastrophe destructrice. Tout cela est en effet
lié à un fantasme spécifique inconscient de la
mère, qui est capable de recueillir ces noyaux psychiques, de
les reconnaître comme tels en tant que tels - et en tant que
dotés de potentialités imprévisibles.
La naissance pourrait donc être liée, dans l'imaginaire,
à une (faible) quantité de discernement mental de
l'enfant qui, lui-même, "désire"naître.
Je pense alors que le mythe du paradis terrestre pourrait cacher une
transgression radicale : le désir fondamental et originaire de
séparer son propre esprit du lieu de la fade et immobile
béatitude dans laquelle tout est prévu et connu.(Cette
tentation est récurrente chez beaucoup de nos patients qui
à des moments particulièrement difficiles de
l'échange et de la communication, élaborent un fantasme
de ce désir : "comme ce serait bien d'être stupide").
L'expulsion hors du Paradis n'est pas due à une transgression
réellement commise. La création de l'idée de faute
pourrait être une rationalisation délirante (du type
hypothèses de base A et B), destinée à mitiger le
sentiment de panique lié
au vrai désir transgressif de se séparer d'aller
au-delà des frontières tracées, pour y chercher
des choses nouvelles, auxquelles donner des noms nouveaux. Dans ce
sens, le mythe pourrait n'être rien d'autre que la
représentation d'un désir transformé dans son
contraire.
L'assomption d'une faute, définie comme transgression aux normes
d'une instance anthropomorphe, sur laquelle ont été
projetés l'envie et l'instinct de mort (comme pulsion à
rester "en deçà" de la pensée, de l'arbre du bien
et du mal) semble rendre l'imprévisibilité du risque plus
aisé, plus proche, avec quelque chose de déjà
connu qui en exorcise le vrai sens de discontinu trans-gressif. La
construction du mythe dans lequel est précisé le lien de
causalité faute-expiation, suggère l'illusion de : fuite
loin du risque de la terreur sans nom, qu'appelle l'acte transgressif.
Celui-ci offre à l'homme la possibilité ambiguë de
mieux affronter son propre destin, dans lequel sa propre pensée
pourra devenir à la fois son moyen le plus puissant de
libération et son objet persécuteur le plus fort. "Tu
travailleras la terre à la sueur de ton front" et "tu enfanteras
dans la douleur" apparaissent alors comme des perspectives
tranquillisantes et pacifiques par rapport aux instances transgressives
de la pensée. Dans la construction de ce mythe, 1'homme me
semble s'être comporté comme le suggère Kafka dans
son apologue : "Le silence des sirènes" : "Ulysse, dit-on,
était tellement astucieux, était un si
fin renard, que même la déesse du destin était
incapable de pénétrer en lui. Peut-être, bien que
cela ne soit pas compréhensible à l'esprit humain,
lui-même s'était-il aperçu que les sirènes
étaient silencieuses, et que ce n'est que pour se
protéger qu'il a donné une telle comédie aux
sirènes et aux Dieux".
J'ai, jusqu'à présent, tenté de montrer le sens
premier de "transgression", et de voir comment, dans son sens de
"sentiment d'aller au-delà" il peut être
relié à l'origine de la pensée. Dans son
utilisation habituelle, toutefois, le mot transgression signifie "ne
pas respecter la norme".
J'ajouterai qu'on dit couramment, pour notifier la souffrance mentale de quelqu'un, qu'il est "anormal".
Je voudrais souligner le fait que la psychanalyse a été
critiquée quant à son but thérapeutique, et qu'on
a dit que le travail psychanalytique (et encore plus la
psychothérapie), en même temps qu'il soulage les patients,
peut provoquer en eux une conventionnelle et artificielle
"normalité", aux dépens de leurs capacités
créatrices (donc de pensée) et de leurs
possibilités effectives d'influer positivement sur les
modifications nécessaires de la réalité
extérieure. Ne nous préoccupons pas trop de ces
critiques, semblables à tant d'autres, qui commencent par
idéaliser la psychanalyse, pour mieux la disqualifier et la
dénigrer ensuite. Le fait est que pareil
désagrément est évoqué, parfois pas
tout à fait à tort, par nos patients et souvent à
la fin du traitement, où, à un moment crucial, ils se
sentent persécutés par leur propre "guérison"
comme par quelque chose qui limite leur originalité et leur
enthousiasme pour la vie. Ce problème a été
traité par Meltzer dans son
texte "Guérir de l'analyse". Sans y utiliser le terme de
"trans-gression", il s'exprime ainsi : "C'est sur cet
arrière-plan que le patient et l'analyste doivent effectuer un
renoncement, un "saut dans le noir", pour emprunter une phrase de
Kierkegaard, ce qui est la première condition requise pour
enclencher le processus d'intériorisation, qui doit se faire
dans tout son mystère". (Je trouve que Meltzer exprime là
un mouvement de genre transgressif: "saut dans le noir",
"mystère" etc., même s'il semble méconnaître
la force, la portée et 1'importance fondamentale qui lui sont
inhérentes.)
Mais au-delà de ce phénomène projectif (et
d'autres semblables) produits par le patient et sur lesquels je
reviendrai, on doit peut-être reconnaître que ce risque
d'appauvrissement est réel et pas seulement pour le patient,
mais également pour le mouvement psychanalytique. Celui-ci a
toujours dû chercher un lieu de transgression, de
désaccord, pour en faire son propre espace, tout en se trouvant
toujours mal adapté dans quelque corps constitué social
que ce soit (même si les tentations régressives, qu'on
retrouve dans les efforts faits pour réintégrer la
psychanalyse dans la sphère de l'Université, sont
toujours là). Il me semble pourtant plus opportun de
réfléchir sur les cas où ce malaise se
produit à l'intérieur de la relation analytique
elle-même ; je pense qu'alors le sentiment de
"persécution" par sa propre guérison est présent
surtout chez les patients portés à l'"acting", chez les
patients pour qui 1' acte semble répondre à une exigence
de transgression compulsive. Il semble alors que le patient soit
enraciné dans ce moyen d'expression (et de satisfaction)
primordial, comme s'il représentait pour lui une dernière
planche de salut devant une situation analytique que, paradoxalement,
il ressent comme un fort risque d'appauvrissement du Soi.
De grands progrès ont été faits à propos du
problème du passage à l'acte, et les analystes sont
à peu près tous d'accord pour considérer ces
comportements comme des embryons de moyens d'expression, et non pas
comme de banales résistances à l'analyse, que l'on doit
essayer de supprimer. Toutefois, si on ne tient pas compte de la
solution naïve, qui consisterait à résoudre le
problème par une collusion analyste/patient, il faut dire que,
nonobstant nos progrès, de telles situations mènent
souvent à des moments de stase, où 1'analyste, en tant
que gardien du setting, se trouve chargé d'un fantasme fortement
répressif et persécuteur, comme s'il était un
parent mesquin et hostile, qui s'opposerait aux efforts de l'analysant
pour s'émanciper.
D'après mon expérience, il semble que 1'origine de
"l'acting", dans bien des cas, ne réside pas seulement dans le
fait que le patient a projeté sur l'analyste la partie
négative de l'ambivalence - son désir masochiste de ne
pas "guérir" -, mais que
cela est souvent précédé et accompagné par
des mécanismes de projection de parties
pseudo-réparatrices du Soi sur l'analyste : ceux-ci sont
même parfois chargés d'un transfert de leur propre
"appareil à penser". Ce transfert massif (qui pourrait
partiellement justifier 1'impression d'appauvrissement du Soi), semble
si totale, que ces patients nous apparaissent comme presque
complètement privés de la possibilité de penser,
et uniquement capables d'agir par une contrainte interne ; ce qui est
un genre de transgression limité et inapte à recevoir la
polarité alternative de la fonction transgressive.
Je voudrais enfin ébaucher une hypothèse qui provient de
toutes les propositions de ce texte, et qui apportera, je
l'espère, une contribution utile au problème fondamental
et toujours actuel de l'acting : je propose de considérer ces
transgressions réalisées par actes compulsifs
comme les indices d'une carence, d'une forte carence de la
fonction de rêverie de la mère dans son aspect
"transgressif" décrit plus haut.
On essaye ingénument de compenser une tel le carence de
"rêverie" en la dramatisant par des transgressions
répétées, mimées dans l'agir
: à une carence de fonction de transgression dans la
pensée on substitue la manifestation de signe opposé : un
accroissement de transgressions dans l'action.
Si cette hypothèse est acceptable, nous pouvons dire que cet
"agir" représente une demande, une demande particulière
qui se manifeste par son contraire. Ce n'est pas une contre-action que
demande le patient, ainsi qu'on peut le vérifier dans la
contre-identification projective et dans la collusion perverse :
l'action cache une paradoxale demande de pensée. La seule vraie
réponse que puisse fournir l'analyste passe par l'activation de
sa "rêverie" dans le "setting".
Ce n'est qu'ainsi que l'analyste et l'analysant pourront recueillir, en
termes de penser réalisé, une communication qui jaillisse
du même lieu où est mimée la transgression.
L'analyste pourra ainsi se situer en ces points où la
mère ne fut pas présente, à cause de
contre-identifications fusionnelles à circuit court, ou à
cause d'une "fuite" dans les règles superficielles du maternage,
ou dans les normes suggérées par l'environnement
extérieur.
Traduction G. Rubin
Résumé Je fais référence à deux
modèles : Freud et Bion. Freud, dans "Die Gewinnung des Feuers",
soutient que l'évolution de l'homme est rendue possible par une
renonciation pulsionnelle déguisée en transgression
(Mythe de Prométhée). Bion soutient que l'origine des
groupes est mécaniste et non pulsionnelle. Il emploie le mot
"valence" (comme en chimie), au sujet de ce qui unit le groupe.
En tenant compte de l'origine de l'expérience humaine, dans la
relation mère/bébé, j'avance l'hypothèse
que la mère aide l'enfant à parvenir à la
capacité de symbolisation si elle est capable d'enfreindre les
lois du groupe afin de développer un espace spécifique
pour le bébé.
Mots-clé : Transgression.
Rêverie. Hypothèse de base du groupe. Conformisme.
Renoncement pulsionnel. Connaissance. Pensée.
Summary I refer to two models: one by Freud and one by
Bion. Freud, in "Die Gewinnung des Feuers" maintains that evolution of
man is allowed by an instinctual renunciation disguised as a
transgression (Myth of Prometeus).
Bion maintains that the origin of groups is mechanical, not
instinctual. He uses the word "valence" (as in chemistry) to refer to
what unites the group. Through a consideration about the origin of
human experience within the mother-infant relationship, I put forward
the hypothesis that the mother helps the infant to reach the capacity
of symbolization if she is capable of infringing the laws of the group
in order to develop a specific space for the baby.
Key-words: Transgression. Rêverie. Instinctual renunciation. Basic Assumption. Conformism. Knowledge. Thought.
Bibliographie Bion W.R. (1961) "Recherches sur les Petits Groupes" P.U.F.1965.
"Le Développement de la Pensée Schizophrénique" In"Réflexion Faite" P.U.F.1983.
"Leçons brésiliennes"
Dictionnaire "Petit Robert"
Freud S. (1910) "Du Sens Opposé"
(1911) "Les Deux Principes"
(1932) "Le Mythe de Prométhée"
Gaburri E. (1981) "Il Gruppo & il pensiero"
Meltzer D. (1981) "Du Symbole"
(1981)"Guérir de l'Analyse" in "La Comprensione della Bellezza" Ed. Loescher, Turin
Tagliacozzo R., "La Pensibilità" Ed. Loescher, Turin.