Une question importante, essentielle même puisqu'elle traite de notre survie en
tant que Civilisation, s'est imposée à moi : je me suis demandé pourquoi nous,
Occidentaux, semblons condamner notre avenir en ne faisant plus guère d'enfants,
alors même que cela équivaut, à terme, à un suicide collectif ?
Il
serait puéril de penser qu'une seule réponse puisse donner la clé de l'énigme,
mais il serait tout aussi erroné de croire que seules des raisons matérielles
travail de la mère, absence de crèches, problèmes d'argent ou de logement, etc.,
expliquent cette baisse du désir de se reproduire (se reproduire, ces mots ne
sont certainement pas neutres). Il est très clair que toutes ces causes
matérielles et sociales sont à prendre en compte dans ce grave problème, mais,
dans les pages qui vont suivre, ce sont la psyché et l'inconscient qui seront
interrogés.
Ce non désir, ou ce faible désir d'enfants, a certainement
de multiples origines, qui seront peu à peu recherchées et comprises. L'aspect
que je me propose de commencer à explorer ici est celui de notre sentiment
inconscient de culpabilité. Je m'appuierai, pour cette recherche, sur le
magistral ouvrage de Freud intitulé "Deuil et Mélancolie". Il me semble en effet
que notre Civilisation présente un grand nombre des symptômes de cette affection
qui, hélas, n'est pas bénigne. Plusieurs auteurs ont mis en évidence un très
réel danger de suicide chez le mélancolique (cf. Béla Grunberger) et ce n'est
pas parce qu'il s'agit ici d'une Civilisation et non d'une personne que le
risque se dilue. Les Civilisations aussi sont mortelles, on le sait maintenant
et on peut actuellement éprouver de grandes craintes pour la nôtre.
Pour
présenter le mélancolique, Freud écrit : "Le malade nous dépeint son moi comme
sans valeur, incapable de quoi que ce soit et moralement condamnable : il se
fait des reproches, s'injurie et s'attend à être jeté dehors et puni. Il se
rabaisse devant chacun, plaint chacun des siens d'être lié à une personne aussi
indigne que lui" (p. 152).
Ne suffit-il pas, dans notre Occident qui a
l'air si sûr de lui-même et si dominateur, d'ouvrir le moindre magazine, le
moindre poste de radio ou de télévision pour voir et entendre les lamentations
des auto-reproches que s'adresse l'Occidental : nous sommes coupables d'avoir
détruit un grand nombre de Civilisations que nous avons ravagées de diverses
façons tantôt en leur apportant nos maladies, tantôt en les détruisant par la
guerre, tantôt par notre seul exemple, qui leur a fait préférer notre mode de
vie au leur, etc.
Nous avons aussi détruit un nombre incalculable
d'espèces animales et végétales irremplaçables; nous sommes coupables (et cela
est dramatique pour tous) de la disparition des grandes forêts, qui sont les
poumons de la terre, de l'avancée des déserts, de la pollution des mers et des
océans, de la diminution de l'ozone protectrice, etc. Tout cela est exact,
hélas. Encore en ai-je passé et des plus effrayants.
Alors que penser,
que faire puisque ce qu'on nous révèle est bien vrai, qu'il ne s'agit pas de
fantasmes mais de réalités ? Nous pourrions en effet nous consoler et nous
absoudre s'il nous était possible de penser qu'il ne s'agit là que de
billevesées et de chimères. Mais le rapports que font les personnes compétentes
sur l'état de notre planète ne nous laissent aucun doute sur notre malfaisance
en ce qui concerne la Nature ou les autres Civilisations que l'on nous accuse
d'avoir privées de leur identité propre.
Eh bien, là aussi, notre cas
ressemble étrangement à celui du mélancolique, et Freud paraît répondre par
avance à nos questions lorsqu'il écrit: "Il serait (...) infructueux de
contredire le malade qui porte de telles plaintes contre son moi. Il doit bien
avoir, en quelque façon, raison et décrire quelque chose qui est tel qu'il lui
paraît. Nous sommes bien forcés de confirmer immédiatement et sans réserves
quelques-unes de ses allégations. Il est effectivement aussi dépourvu d'intérêt,
aussi incapable d'amour et d'activité qu'il le dit" et… "Lorsque, dans son
autocritique exacerbée, il se décrit comme mesquin, égoïste, insincère... Il
pourrait bien, selon nous, s'être passablement approché de la connaissance de
soi, et la seule question que nous nous posions, c'est de savoir pourquoi l'on
doit commencer par tomber malade pour avoir accès à une telle vérité. Car il ne
fait aucun doute que celui qui s'est découvert tel et qui exprime devant les
autres une telle appréciation de soi, celui-là est malade, qu'il dise bien la
vérité ou qu'il se montre plus ou moins injuste envers lui-même" (pp. 152/153).
Alors, nous allons faire comme Freud, nous allons supposer que
l'Occident a été aussi épouvantable qu'on nous le dit, mais que n'ayant pas été
que cela, il doit être bien malade pour se déclarer coupable avec tant
d'insistance. D'autres n'ont pas fait beaucoup mieux, qui pourtant se gardent
bien de s'auto-accuser.
Oui, nous sommes probablement responsables de la
mort des éléphants... des ours... des lynx... des bébés phoques... oui, les mers
sont devenues des poubelles, et les poissons, asphyxiés, meurent par millions…
oui, les continents se désertifient, et dans les contrées privées de leurs
forêts, les tornades, les inondations, les sécheresses sèment la mort et la
désolation… oui, c'est vrai, la planète va peut-être mourir de notre avidité,
mais il relève de la maladie mentale de se cliver comme nous le faisons : d'une
part, nous ne cessons de nous culpabiliser affreusement en nous auto-accusant de
tous ces crimes, de l'autre, nous ne cessons de vouloir toujours plus de biens
matériels, comme s'il y avait en nous un vide impossible à combler.
On
peut alors se demander d'où vient, quelle est la cause d'un comportement aussi
contraire à la raison. Pour essayer de trouver une réponse à pareille question,
tournons-nous à nouveau vers Freud; dans "Deuil et Mélancolie", il étudie -
ainsi que l'indique le titre - les ressemblances et les différences qui existent
entre le deuil (réaction normale après une perte sévère) et la mélancolie
(malheur interminable et pathologique). Il y écrit qu'on réagit normalement à la
mort d'un être aimé par une douleur intense, mais lorsque l'épreuve de réalité a
montré que l'objet aimé n'existe plus, alors, non sans peine et hésitations,
l'endeuillé renonce peu à peu à sa douleur : "Chacun des souvenirs, chacun des
espoirs par lesquels la libido était liée à l'objet est mis sur le métier,
surinvesti, et le détachement de la libido se fait sur lui". On finit donc, non
pas par oublier l'Objet perdu, mais par détourner de lui ses investissements.
Dans la mélancolie au contraire, "la perte est d'une nature plus morale.
Sans doute l'objet n'est pas réellement mort mais il a été perdu en tant
qu'Objet d'amour". Il ajoute aussi que dans le deuil on sait qui a été perdu, la
perte est consciente; dans la mélancolie, à l'inverse, on ignore ce que l'on a
perdu. Autrement dit, le deuil se réfère à un objet de la réalité extérieure, la
mélancolie à un Objet interne.
L'hypothèse que je formule ici est que
l'Objet perdu par les Occidentaux peut être représenté par une triade
fantasmatique qui ne forme qu'une seule et même entité : la Nature/La Grande
Déesse/la Mère. Et que cet objet n'a pas été perdu par malchance ou hasard, mais
bien par notre faute; nous, Occidentaux, sommes des matricides et ne le cachons
nullement, n'en avons nullement honte car nous ignorons ce que nous avons perdu.
Comme le mélancolique, nous sentons bien que quelque chose est perdu, mais nous
ne savons pas qui a été perdu. Nous savons que nous assassinons notre Terre et
nous savons que si nous avons pu avoir un tel développement technologique, c'est
parce que nous acceptons de l'assassiner; et nous savons aussi que la Terre est
notre mère, et que nous ne vivons que par elle; et nous savons encore que nous
avons renié la mère comme unique Objet, mais le lien entre tous ces savoirs ne
se fait pas. Aussi, comme celle du mélancolique, notre pensée se trouble et, au
lieu de faire le nécessaire, nous tenons à faire connaître à tous notre
indignité.
Une fois de plus, la similitude avec le mélancolique est
évidente ; Freud écrit : "Nous ne pouvons qu'être frappés du fait que le
mélancolique ne se comporte malgré tout pas tout à fait comme quelqu'un qui est,
de façon normale, accablé de remords et d'auto-reproches. Il manque ici la honte
devant les autres qui, avant toute chose, caractériserait ce dernier état, ou du
moins cette honte n'apparaît pas de manière frappante. On pourrait presque
mettre en évidence, chez le mélancolique, le trait opposé : il s'épanche auprès
d'autrui de façon importune, trouvant satisfaction à s'exposer nu". (p. 154). Là
non plus, pas besoin de chercher bien loin pour trouver des exemples, tant
l'auto-flagellation des Occidentaux a pris des proportions inquiétantes; ah non,
nous ne la cachons pas, notre indignité !
Freud dit aussi que si la
plupart des mélancoliques sont bien d'aussi pauvres sires qu'ils le prétendent,
(après tout, ce ne sont que des hommes), le fait d'être moralement correct ne
met pas à l'abri de pareille mésaventure et les personnes irréprochables ne sont
nullement protégées de la mélancolie et au contraire. Il faut donc surseoir
quant au jugement, et ce n'est d'ailleurs aucunement à la psychanalyse de juger
de la plus ou moins grande gravité des faits que se reproche un patient
mélancolique nommé Occident.
J'ai proposé l'idée que les Occidentaux
avaient réellement quelque chose à se reprocher le meurtre fantasmatique de la
Mère. Ce meurtre, pour être symbolique, n'en pèse pas moins lourdement sur nous,
ainsi que je vais essayer de le montrer.
Il y a très longtemps, avant
l'Histoire, les êtres humains vénéraient une Mère universelle, Vénus gravide aux
hanches larges qui symbolisait la fécondité, celle de la nature et celle des
hommes, et première image de la Grande Déesse Mère. De nombreux historiens
contestent l'existence de cette Grande Déesse toute puissante, et je ne prendrai
pas position sur la réalité d'un pouvoir féminin en ces temps mystérieux. Mais
s'il s'agit d'un pouvoir maternel fantasmatique, alors je pense qu'on peut
croire à sa réalité dans l'Inconscient, car il correspond exactement à la
confiance qu'a un bébé dans la toute puissance maternelle. Les statuettes, les
dessins, les légendes et les mythes nous parlent de cette Mère Universelle, de
la vie qui est née de la Terre ou de l'Eau, symboles maternels. Un des textes
les plus anciens que nous ayons, le Rig-Veda, dit, parlant de la Grande Déesse :
"Aditi est le Ciel - Aditi est l'Atmosphère"
"Aditi est mère, elle est
père, elle est fils"
"Aditi est les cinq dieux et les cinq sortes d'êtres"
"Aditi est ce qui est né, Aditi est ce qui est à naître".
Or, c'est
à peu près ainsi que nous supposons qu'un bébé imagine sa mère - comme ayant
tous les attributs : c'est la "mère phallique" dans la terminologie freudienne,
tandis que Mélanie Klein écrit : "Il (le bébé) croit qu'en attaquant ainsi le
corps de sa mère, il a également attaqué son père, ses frères et soeurs et, dans
un sens plus large, le monde entier" (Klein, 1980, Essais, p. 330)
Ainsi
avons-nous attaqué, abîmé et peut-être tué notre planète par notre avidité,
parce que nous l'avons crue semblable à l'image fantasmée d'une mère de
nouveau-né : capable de tout donner et capable de tout supporter.
La
préhistoire nous apprend qu'un jour d'il y a environ six ou huit mille ans, les
hommes renoncèrent à demander à la Bonne Mère Nature leur subsistance, que
pourtant elle leur octroyait sans qu'ils aient à fournir de trop grands efforts;
à la place de la chasse et de la cueillette, ils se mirent à compter sur
l'agriculture et l'élevage (qui en exigent beaucoup plus) pour leur survie.
On peut se demander pourquoi ils acceptèrent un changement aussi
désavantageux et abandonnèrent une façon de vivre somme toute pleine de repos et
de loisirs malgré les difficultés et les dangers, pour une existence remplie
d'efforts et de fatigue. C'est qu'une puissante raison les y poussait : il
fallait désormais quitter cette "Bonne Mère Nature" pour faire alliance avec le
Père : l'heure du changement d'Objet avait sonné (c'est-à-dire que, comme pour
le bébé, il était temps de quitter la mère pour reporter ses investissements sur
le Père). Peut-être au contraire ce furent des raisons extérieures - raréfaction
du gibier, par exemple - qui incitèrent les hommes à changer leur mode de vie et
à investir un nouvel Objet ? Je ne sais pas, mais ils en changèrent. (Jacques
Cauvin écrit : "La notion de divinité se manifeste pour la première fois au
Proche-Orient sous forme de figurines féminines en terre cuite, au tout début de
la révolution néolithique, un moment très important de l'histoire de l'humanité.
Précédant de peu les premiers essais agricoles, cette mutation psychique
pourrait expliquer en partie la formidable transformation du Néolithique"
(Cauvin, 1988).
On retrouve ce fantasme de temps idylliques où la Bonne
Mère Nature prenait tendrement soin de ses enfants humains dans un des textes
fondateurs de notre Civilisation : la Bible me semble en effet raconter, elle
aussi, la même histoire de changement d'Objet : Adam et Eve apprennent du
Serpent que Dieu les trompe afin de garder pour lui seul tout le savoir (comme
le ferait un père qui refuse de voir ses enfants grandir) et pour cela les
menace de mort en cas de désobéissance. Le Serpent dit : "Pas du tout ! Vous ne
mourrez pas ! Mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vous serez comme
des dieux qui connaissent le bien et le mal". Et aussi : "La femme vit que
l'arbre était bon à manger et séduisant à voir, et qu'il était, cet arbre,
désirable pour acquérir le discernement" (Genèse III).
(Eve et Adam
voulaient savoir distinguer le Bien du Mal, être "comme des Dieux",
symboliquement comme les Parents, sensés avoir un Surmoi et être capables de
travailler et d'avoir des enfants. Eve mangea donc du fruit de l'arbre interdit,
tout comme le ferait un adolescent (en ce temps-là vers onze ou douze ans) en
révolte contre l'autorité paternelle; elle en offrit à Adam qui en goûta aussi,
et on sait ce qui s'en suivit la chute, l'enfantement dans la douleur et le pain
gagné à la sueur de son front; mais aussi le "discernement" acquis, le sens du
Bien et du Mal (i.e. un Surmoi).
Autrement dit, l'homme et la femme
cessaient d'être comme de petits enfants auxquels la mère donne tout le
nécessaire (comme dans le Jardin de 1'Eden), et qui se sentent encore englobés
dans son amour, pour passer à l'âge de préadolescence. L'âge où l'on commence à
affirmer son 15 indépendance, où tantôt on prend le Père comme modèle
d'identification et tantôt on veut le dépasser; l'âge où, comme le disait le
Serpent, on peut devenir comme des dieux, capables de discerner le Bien et le
Mal; ou encore, comme le dirait Freud, capable d'accéder à la "Résolution du
Complexe d'OEdipe", dont naît le Surmoi).
Ce changement d'Objet, chaque
enfant le fait pour son propre compte, car il faut choisir : ou rester passif et
dorloté dans le giron de la bonne mère, ou se détacher d'elle pour aller vers le
père et l'âge adulte.
Nos ancêtres du Néolithique firent inconsciemment ce
choix, et je pense que le premier chapitre de l'Ancien Testament retrace les
étapes de ce "Changement d'Objet", c'est-à-dire du report sur le père d'une
partie de l'amour jusque-là investi dans la mère. C'est ainsi qu'Adam et Eve,
ayant coupé le cordon ombilical, "découvrirent" la pudeur, les relations
sexuelles, le travail et la famille. Mais, pour eux comme pour chacun d'entre
nous, pour pouvoir faire tout cela, il fallait aussi accepter de devenir des
adultes, c'est-à-dire renoncer à être nourri du bon lait reçu sans effort, et
accepter de gagner sa vie à la sueur de son front. Autrement dit, devenir
pasteurs ou agriculteurs. C'est ce que firent Adam et Eve : "L'homme connut Eve
sa femme; elle conçut et enfanta Caïn... Elle donna aussi le jour à Abel, frère
de Caïn. Or Abel devint pasteur de petit bétail et Caïn cultiva le sol". (Genèse
IV).
Adam et Eve quittèrent donc le Paradis Terrestre et choisirent Dieu le
Père comme unique Objet, allant ainsi plus loin que ne le fait un enfant car
celui-ci, en général, continue à aimer sa mère. Dans la Bible, au contraire,
seul Dieu le Père existe, seul il doit être aimé. Toute idée de Mère a été
bannie : c'est Dieu qui enfante Adam, et c'est Adam, un mâle lui aussi, qui
enfante Eve, tirée de sa côte.
Il n'a pas dû être aisé d'abandonner la
"liberté" de la chasse-cueillette pour l'esclavage du travail, ni de quitter la
Grande Déesse Toute Puissante - un peu terrifiante certes, mais si rassurante
aussi - pour se retrouver maître de son destin. Le travail de deuil qu'eurent à
faire nos ancêtres pour changer d'Objet d'Amour du donc être bien plus radical
que celui que fait un enfant, car pour avoir le courage de labourer la Terre, la
force de l'éventrer de leur houe pour la rendre féconde, alors qu'elle symbolise
la Mère, il n'était pas suffisant de la quitter, il fallait encore la
désacraliser, la faire descendre de son piédestal, de sa position de toute
puissance et même exagérer son abaissement. Autrement dit, pour qu'elle ne
retrouvât jamais sa gloire, il était nécessaire, et de donner sa place au Père
Céleste et de la rabaisser; il n'est que de voir à quels désastres de tous
ordres sont voués, dans le Livre, ceux qui adorent un autre que Yahvé, pour
constater que cela a été fait.
(Lorsqu'une phase mythologique succède à
une autre, dit Freud, "la première, au lieu de disparaître complètement lorsque
la seconde est réalisée, persiste sous une forme à laquelle on accorde désormais
une valeur inférieure, de plus en plus nuancée de mépris. Dans la mythologie, on
observe généralement ce fait qu'une phase antécédente, tout en ayant été
dépassée et refoulée - et peut-être pour cette raison même - par une phase
supérieure, se maintient à côté de celle-ci sous une forme pour ainsi dire
effacée et diminuée, de sorte que les objets de sa vénération se transforment en
objets d'exécration" - Freud, 1971).
Donc, la mère réduite à rien pour
les Peuples du Livre, il n'y avait plus d'obstacles fantasmatiques à la conquête
de la planète, laquelle s'accomplit, comme l'on sait, au moyen de technologies
de plus en plus sophistiquées, mais aussi de plus en plus meurtrières pour notre
mère la Terre et certains de ses enfants. C'est peut-être pour avoir tant
infériorisé la Déesse Mère, (totalement absente dans l'Ancien Testament, elle
est adorée et respectée dans les Religions Chrétiennes, mais doit pourtant
l'essentiel de sa puissance à ses interventions auprès de Dieu ou de son Fils)
que nous nous sommes laissés emporter fantasmatiquement par le mépris et qu'il y
a en nous comme une ivresse de revanche.
C'est peut-être parce qu'après
l'avoir adorée nous avons détrôné, puis rabaissé, puis exclu la (Déesse) Mère
que nous pouvons, maintenant, faire subir tous les outrages à la Planète. Mais
nous devrions nous souvenir : nous avons pris en nous toute la puissance de la
Mère, nous sommes les égaux des Dieux. (Genèse III : "Puis Yahvé Dieu dit :
Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous, pour connaître le bien et le
mal !"). Il reste que nous sommes des êtres humains, et comme tels pourvus, pour
le meilleur et pour le pire, d'une mémoire et d'un Inconscient; aussi les excès
que nous commettons, le meurtre de notre Terre/mère que nous sommes en train de
perpétrer nous angoisse et nous culpabilise. Pendant longtemps cette culpabilité
est restée inconsciente; depuis peu, nous en prenons douloureusement conscience,
mais sans en comprendre la cause profonde fantasmatique, ce qui favorise et
entretient en nous le clivage qui nous empêche de penser clairement.
Que
s'est-il donc passé pour que, ayant fait les progrès que l'on sait grâce au
changement d'objet, l'humanité, (ou plutôt l'Occident, entraînant le reste des
peuples derrière lui) se soit mise à "déraper", à perdre le contrôle de ses
découvertes, à courir vers la mort ?
Freud répond, en ce qui concerne le
mélancolique "L'investissement d'Objet s'avéra peu résistant, il fut supprimé,
mais la libido libre ne fut pas déplacée sur un autre Objet, elle fut retirée
dans le Moi. Mais là, elle ne fut pas utilisée de façon quelconque : elle servit
à établir une identification du Moi avec l'Objet abandonné. L'ombre de l'Objet
tomba ainsi sur le Moi qui put alors être jugé par une instance particulière
comme un Objet, comme l'Objet abandonné". On a vraiment l'impression qu'il a pu
se passer quelque chose d'assez semblable pour nous, avec toutefois un important
décalage temporel qui me semble renforcer cette façon de voir : en ce qui nous
concerne, la libido libre fut déplacée sur un autre Objet (de la Grande Déesse
sur Dieu) ce qui nous permit à la fois de vouloir dominer la Nature et de le
faire sans remords ni angoisse. La mélancolie ne se manifesta qu'après que ce
deuxième Objet ait été, lui aussi, perdu. Alors seulement l'ombre de l'Objet
tomba sur nous, et avec elle, la mélancolie.
De même qu'au début de la
"Résolution du Complexe d'Oedipe" le bébé fantasme qu'il est capable de prendre
la place de la mère auprès du père et de le contenter pleinement, de même nous
avons voulu prendre en nous la puissance de la mère, être seuls dans notre face
à face avec Dieu le Père et tenir la Nature pour notre servante, uniquement
destinée à satisfaire nos désirs. Mais cette idée (par exemple : l'Eglise -
c'est-à-dire l'Assemblée des fidèles - est l'Epouse du Christ) est angoissante
car, pour l'Inconscient, avoir pris la place de la Mère équivaut à l'avoir tuée.
Freud montre que ce désir de mort, cette agressivité du Sujet contre
l'Objet sont insupportables et mortifères; aussi, pour échapper à une telle
situation, le Sujet la renverse et dirige sa haine contre lui-même comme il le
faisait auparavant contre l'Objet. Le mélancolique rabaisse alors et fait
souffrir cet Objet substitutif narcissique (c'est-à-dire luimême) avec un
acharnement qui lui procure une jouissance certaine, provoquée par la
"satisfaction de tendances sadiques et haineuses qui, visant l'Objet, ont subi
de cette façon un retournement sur la personne propre" (p. 162).
Et il
ajoute : "Ainsi, dans la régression à partir du choix d'Objet narcissique,
l'Objet a certes été supprimé mais il s'est pourtant avéré plus puissant que le
Moi lui-même. Dans ces deux situations opposées, l'état amoureux le plus extrême
et le suicide, le Moi, bien que par des voies tout à fait différentes, est
écrasé par l'Objet".
Ce point de vue exprimé par Freud peut être
complété, me semble-t-il, par l'opinion de Mélanie Klein; il ne s'agit plus là
de pathologie, mais de ce que chacun de nous a ressenti en tant que nourrisson.
Elle nous explique, en effet, que le fantasme envieux intensifie les attaques
sadiques dirigées vers l'Objet : "Le sein nourricier ainsi attaqué est
dévalorisé : déchiqueté par les morsures, empoisonné par l'urine et les
excréments, il est devenu un mauvais sein" (Envie et Gratitude, p. 26). N'est-ce
point ainsi que, sans vergogne, nous traitons notre sein/Terre nourricière avec
nos bulldozers et nos déchets ?
Mais le problème, avec l'envie, c'est
qu'elle est insatiable et nous oblige donc à abîmer de plus en plus l'Objet ;
avec pour conséquence une culpabilité de plus en plus terrible qui, projetée,
fait retour en tant que persécution. Et c'est ainsi que nous transformons
l'Objet qui a été persécuté (la Terre) en persécuteur qui semble vouloir nous
renvoyer à la face les désastres que nous avons produits.
Pour en
revenir à notre histoire, je crois que, fous d'orgueil, ayant conquis Dieu le
Père et fait alliance avec Lui, nous nous sommes arrogés le droit d'arracher sa
puissance et ses secrets à la Mère Nature; mais, envieux et insatiables, nous
n'en sommes pas restés là ; nos arrièregrands- parents ont crié "Dieu est mort"
et ont voulu prendre cette place-là aussi. Alors, le peu de crainte et révérence
qui nous restaient encore se sont évanouis; il n'y avait plus de parents, nous
étions les rois du Monde. Notre science l'a cru... mais nous étions encore bien
trop petits, des enfants qui ne savent ce qu'ils font ! (Science sans
conscience...) Comme le désirent dans leurs fantasmes les nourrissons décrits
par Mélanie Klein, nous avons sali et endommagé le sein nourricier… mais, nous,
dans la réalité extérieure et non dans le fantasme. Aussi notre sein/Terre
nourricier est-il devenu un persécuteur qui nous menace, à brève échéance, de ne
plus pouvoir/vouloir satisfaire nos besoins. Aussi, comme le dit Freud, nous
nous sentons envahis par la haine de nous-mêmes, par la honte et la culpabilité
et, sans pudeur, nous étalons cette honte et cette culpabilité aux yeux de tous.
Aussi, comment avoir des enfants, comment nous reproduire alors que nous nous
haïssons ?
Mais l'analogie avec la mélancolie ne s'arrête pas là; on
sait de quelle façon le mélancolique essaye d'échapper à son mal : en le
transformant en manie. Affection que les psychiatres décrivent ainsi le maniaque
ne peut pas cesser de bouger : il va, il vient, il gesticule; l'exaltation
sexuelle est constante et souvent importante; il a des conduites alimentaires
exagérées boulimie, tabagisme, sitiophilie impulsive, ivresse. Il est
infatigable, il peut tout entreprendre, il croit tout réussir; il fait des
dépenses exagérées et a des idées mégalomaniaques (Hanus et le Guillou, 1970).
Inutile, je crois, d'insister sur notre agitation perpétuelle qui étonne tant
les Orientaux, qui se laissent pourtant gagner par elle, ni sur notre folie de
consommation et de possession.
Parfois, chez les sujets mélancoliques,
les accès maniaques et dépressifs se succèdent si vite qu'on les dirait
concomitants ; ainsi en est-il de l'Occident qui s'agite frénétiquement, veut
tout, tout de suite et, en même temps se dégoûte, trouve que tous sont meilleurs
que lui; comme le dit Freud : "Il se fait des reproches, s'injurie et s'attend à
être jeté dehors et puni" (par les Jaunes, les Noirs, les Immigrés...). Nous
nous sentons à la fois tout puissants et en état d'insécurité; comme le dit
Mélanie Klein : "L'Objet dont on pleure la perte est le sein de la mère et tout
ce que le sein et le lait représentent pour la pensée enfantine l'amour, la
bonté et la sécurité. L'enfant sent qu'il a perdu tout cela et qu'il l'a perdu
pour n'avoir pas su résister à ses fantasmes avides et destructeurs, à ses
pulsions agressives à l'égard des seins de sa mère". Puis surgit une nouvelle
angoisse : la perte des deux parents cette fois qui naît de la situation
oedipienne" (Le deuil et ses rapports avec les Etats Maniacodépressifs" p. 342).
Voilà donc, à mon sens, où nous en sommes ayant (presque) détruit celle
qui nous permet de vivre, nous avons pu refouler ce souvenir pendant un certain
temps dans une exubérance qui fait penser à une crise maniaque, durant laquelle
nous avons voulu toujours plus : de consommation, de conquêtes, de puissance.
S'il n'est pas déjà trop tard, il serait donc grand temps de changer
notre façon de faire ; et pourtant, il n'est ni possible ni souhaitable de
revenir en arrière et de nier les immenses progrès accomplis par les hommes.
Une voie s'ouvre peut-être à nous, qui pourrait diminuer en partie notre
culpabilité : il est patent que les valeurs maternelles se sont jusqu'ici
presque totalement effacées devant les valeurs viriles par exemple, ce qui a été
admiré, c'est la capacité de dominer, de pénétrer, aussi bien dans les
entrailles de la Terre pour y prendre ses trésors que dans les arcanes de la
science pour dérober les secrets de la Nature.
Et en effet, le rôle de
l'organe viril est de pénétrer, fut-ce avec violence ; le rôle féminin maternel
est de s'ouvrir sans violence pour accueillir l'enfant, l'Autre ou les idées
nouvelles (c'est, d'une certaine façon, ce que Bion appelle la Capacité de
Rêverie de la Mère). Il me semble qu'une meilleure harmonie entre ces deux
sortes de valeurs, évidemment présentes dans l'un et l'autre sexe, pourrait nous
aider à résoudre notre problème. Car si les pulsions sadiques sont présentes
très têt et particulièrement visibles au stade sadique anal, il y a aussi en
nous un désir de réparation; et d'ailleurs, c'est au sein même du stade sadique
anal que se forme le passage qui doit mener vers elle. Parlant de la Relation
d'Objet à ce stade, Karl Abraham écrit "La relation positive du Sujet à l'Objet
consiste à se l'approprier en le retenant, la relation négative à le refuser. La
perte de l'Objet qui menace l'obsédé et qui est réalisée dans la mélancolie
signifie l'expulsion de l'Objet" (Les Etats Maniaco-dépressifs et les Etapes
prégénitales d'Organisation de la Libido. p. 260). Il explique ensuite qu'il
existe, dans la pulsion partielle sadique de la libido infantile, deux tendances
différentes : "l'une aspire à la destruction, l'autre à la domination de
l'Objet, ou du monde des Objets".
Cette deuxième étape (celle où nous
nous trouvons, me semble-t-il) présente un incontestable progrès sur la première
car elle sauvegarde le rapport à l'Objet, et permet de passer à l'étape
suivante, car : "A la frontière de ces deux stades du développement se produit
un renversement décisif de la relation de l'individu au monde objectal. Si nous
prenons au sens étroit la notion d'amour objectal, nous pouvons dire qu'il
débute précisément à cette frontière car, dorénavant, c'est la tendance à la
conservation de l'objet qui primera" (p. 265).
Un autre point de vue
vient enrichir ces façons de voir, c'est celui qu'exprime Florence
Begoin-Guignard lorsqu'elle s'interroge sur ce qu'elle a appelé le "féminin
primaire" ; s'inspirant de M. Klein, elle écrit qu'une phase commune aux enfants
des deux sexes survient au moment du conflit de perte Objet lié au sevrage
(représenté dans notre civilisation judéochrétienne par la chute hors de
l'Eden), phase qui contient deux courants pulsionnels différents : "D'une part,
l'avidité pour la possession du sein qui se dérobe, surcharge le plaisir de
succion d'un accroissement de pulsions sadiques à l'égard de l'intérieur du
corps maternel, censé contenir toutes les richesses du monde interne".
(Lorsqu'il s'agit de la Terre, elle n'est plus "censée" contenir toutes les
richesses, elle les contient.) "D'autre part, sous l'impact de la mise en
activité des pulsions génitales précoces, le pénis devient objet de désir, aussi
bien en tant qu'objet nouvellement investi qu'en tant qu'équivalent du sein
perdu". (En tant que représentant tout ce qui est désirable : pour nous adultes,
la puissance sur cette terre mais aussi la possession de la Vie Eternelle et le
Paradis.)
Mais c'est aussi à ce moment-là que "Les défenses sont à leur
comble, contre la reconnaissance imminente de l'unité de soi allant de pair avec
la reconnaissance de l'unité et de l'altérité de l'Objet et avec la culpabilité
dépressive" (Florence Begoin-Guignard, 1987).
Il me semble que nous
devons être à ce point de notre évolution, celui où les défenses sont à leur
comble - avec les désastres que cela peut entraîner - mais aussi à ce
moment-charnière où, avec un peu de chance et beaucoup d'obstination et d'amour,
tout peut basculer dans le bon sens. Actuellement, nous ne cessons de détruire,
et nos exactions sont vues (au niveau conscient) comme un épiphénomène,
regrettable mais dont la solution, mollement recherchée, est, en fait, renvoyée
à plus tard. à trop tard ?
Aussi, je pense qu'une prise de conscience de
notre ambivalence envers le Maternel, (reporté sur le Féminin) nous serait d'une
grande aide pour dépasser notre avidité de biens matériels, car c'est notre
haine envers lui qui aveugle le plus grand nombre sur la conséquence de nos
actes et paralyse ceux qui ne s'aveuglent pas.
Nous ne sommes peut-être
pas forcément voués à la disparition, mais alors il nous faut encore faire un
changement : ne plus désirer dominer la Mère/Terre, ne plus vouloir prendre sa
place en la vidant de toute sa puissance, mais internaliser les valeurs
paternelles et maternelles. Puis, comme les adolescents, laisser le couple
parental à lui-même, et en changeant nos investissements ou inventant de
nouveaux rapports avec eux, aller vers notre destinée d'adultes.
Arriverons-nous à faire ce travail ? Est-il temps encore de prendre
conscience de notre désir de mort par rapport à notre Planète (sur laquelle nous
projetons nos conflits oedipiens), ou bien l'envie sera-t-elle la plus forte,
nous empêchant de penser clairement ? Arriverons-nous à aimer suffisamment notre
Terre pour lui demander ce qui nous est nécessaire sans la blesser, avec
tendresse ? Autrement dit, allons-nous cesser de retourner contre nous aussi
notre agressivité, en croyant la projeter seulement sur elle ? L'émergence des
thèmes écologiques, la place actuellement prise par les femmes dans nos
sociétés, même si elle est conflictuelle et revendicative (et parfois, dans ses
excès, revancharde), indique peut-être que nous sommes prêts à découvrir une
autre voie. On peut l'espérer, sans aucune certitude. Mais même si notre
Civilisation devait disparaître, nous entraînant avec bien d'autres dans sa
chute, je crois que, comme le dit Freud : "L'Objet a certes été supprimé, mais
il s'est pourtant avéré plus puissant que le Moi lui-même". Autrement dit, je
croirais volontiers, si nous en arrivions à nous détruire par ambivalence envers
notre Objet, que quelque part, au coeur d'une obscure forêt, tout doucement la
vie reprendrait, car Eros est plus puissant.
Gabrielle Rubin
26,
avenue de Tourville - 75007 Paris
Résumé
Les divers peuples qui composent "L'Occident" semblent atteints
par ce que l'on nommerait, s'il s'agissait d'un individu, une "maladie
mélancolique".
En effet, une bonne part d'entre nous se frappe la poitrine,
accusant les Occidentaux (c'est-àdire, en gros, nous qui vivons au sein des
démocraties judéo-chrétiennes) des pires méfaits, dont les moindres ne sont pas
la destruction des "Autres" (Peuples, Plantes et Animaux) et même de la Planète.
Certaines de ces accusations ne sont que trop fondées, mais pas toutes, et
nous oublions systématiquement de mentionner, à côté de nos exactions, ce que
nous avons apporté de positif. Or, si on relit le superbe texte de Freud "Deuil
et Mélancolie", on est frappé de voir qu'une telle attitude de dépréciation de
soi, alors même qu'elle serait justifiée, relève de la mélancolie et qu'il place
l'origine de cette maladie dans un deuil non fait.
Quelle pourrait alors
être cette perte, sévère au point de nous avoir fait ainsi sombrer ? Une des
réponses possibles se trouve dans le meurtre fantasmatique (par nous perpétré en
des temps préhistoriques sur la "Grande Déesse Mère") qui nous a permis
d'effectuer l'indispensable premier "Changement d'Objet". Le fait qu'après ce
meurtre symbolique nous ayons investi (comme doit le faire tout enfant au cours
de son développement) un deuxième Objet : Dieu le Père, nous a mis pour une
demi-douzaine de millénaires à l'abri du manque.
Mais nous avons crié :
"Dieu est mort !" et le problème que l'Occident doit maintenant résoudre semble
être celui qui tourmente tout adolescent : comment désormais se passer des
Parents et assumer seul son destin d'adulte et la survie de son environnement.
Summary
The various peoples
which make up the western world appear to be suffering from what, in the case of
an individual, we would call melancholia.
It is a fact that many of us are
beating their breasts, accusing the inhabitants of the western world (that is,
for the most part, those who live in the Judeo-Christian democracies), of every
evil, notably the destruction of all "the others" (peoples, plants and animals),
and even of our planet itself.
Some of these accusations are only too we
founded, but not all. We systematically forget to mention, along with our
exactions, our positive contributions to the rest of the world. When we re-read
Freud's great text "Mourning and Melancholia", we are struck by the fact that
this attitude of self-belittlement, even when it is justified, is characteristic
of melancholia. Freud attributes this illness to a non-effected work of
mourning.
In what, then, does this loss consist, if it is serious enough to
lead to our self-destruction? One possible explanation could be found in our
fantasized murder, in prehistoric times, on the person of the Great God Mother,
which enabled us to effect the first indispensable "change of object"; we were
then protected, for several thousand years, from the feeling of loss by the
Great God Father. However, we have now proclaimed that "God is dead", and the
western world must face the dilemma which torments all adolescents - how to live
without one's parents, and bear alone the burden of one's destiny, and the
responsibility for the survival of one's environment.
Bibliographie
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histoire du développement de la libido", in OEuvres Complètes, P.B.P. 1977.
Bible "de Jérusalem", Desclée de Brouwer, 1985.
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l'Aube du Maternel et du Féminin (Essai sur deux concepts aussi évidents
qu'inconcevables), R.F.D. 1987. Tome LI.
Bion, W., Aux Sources de
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Mélancolie
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Klein, M., L'Amour et la Haine
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Klein, M., Envie et Gratitude Gallimard. 1978.